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Johanne SEYMOUR

Le cri du cerf


« Chaque brasse la propulse encore plus profondément dans les ténèbres. Elle rêve d'être poisson comme d'autres rêvent de voler. Son corps s'exalte à chaque poussée. Dans cette matrice froide et noire, elle meurt et renaît. Elle voudrait ne jamais ressortir, prolonger sans fin ce moment, mais ses poumons la rappellent vite à l'ordre ; elle n'est qu'humaine. Avec regret, Kate remonte à la surface. Ce n'est qu'en revenant près du rivage qu'elle la voit.
Son corps ballotte sur l'eau. Sa tête, auréolée de cheveux noirs, ondule comme une méduse. Ses bras en croix donnent envie de prier. Elle ne peut avoir plus de neuf ans. »

Monstrueuse surprise pour le sergent Kate McDougall en train de se baigner dans le lac de Perkins, tout près de sa maison. Qui a pu égorger cette fillette et jeter son corps quasiment devant les fenêtres de l’enquêtrice ? Et pourquoi ? Ces deux questions vont nous accompagner tout au long du roman. D’autres cadavres de fillettes vont être retrouvés avec, chaque fois, un indice (de plus en plus précis), reliant le meurtre à Kate. L’enquêtrice, obsédée par des cauchemars, va devoir remonter dans l’enfance, sonder des zones enfouies, déterrer des souvenirs, pour comprendre ce qui peut la relier à ces fillettes et donc à leur meurtrier. La tension monte, l’enquête devient une course contre la montre entre Kate McDougall et « la Bête ».

Kate McDougall n’a pas un caractère facile. Au Quartier Général de Sureté du Québec à Montréal, elle était en conflit avec le sergent-chef Brodeur, un arriviste incapable de mener une enquête mais toujours à l’affût de la moindre miette de pouvoir.  Ne supportant plus l’attitude rebelle et entière de Kate, « il lui avait donné le choix entre être démise de ses fonctions pour une période indéterminée ou accepter une mutation en province assortie d'une thérapie en bonne et due forme pour régler son comportement vindicatif et asocial, qui, soi-disant, risquait de mettre la vie de ses collègues en danger. En d'autres mots, Kate devait payer pour ses désobéissances répétées, malgré le fait qu'elles lui aient valu le plus haut taux d'enquêtes résolues au cours des dix dernières années. »

C’est pour cette raison qu’en ouvrant ce roman, on la découvre enquêtrice au poste de Brome-Perkins, habitant une maison au milieu des bois, sur la rive du lac. On la suit aussi une fois par semaine dans le bureau d’une psychiatre, Marquise Létourneau, pour des séances obligatoires auxquelles le sergent participe de mauvaise grâce mais qui vont nous aider peu à peu à mieux la comprendre.

Au QG de Montréal, Kate était sous les ordres du lieutenant Paul Trudel avec qui elle entretient une relation ambiguë d’amour et d’irritation. Dans le conflit qui opposait Kate à Brodeur, Trudel n’est pas intervenu pour ne pas « faire preuve d’ingérence » entre un sergent et son supérieur direct. Kate lui en veut beaucoup mais ne peut s’empêcher d’être attirée par lui...

La seule personne avec qui elle entretient une relation simple et affectueuse est le médecin légiste. Dans beaucoup de romans ou de séries policières, le légiste est un personnage important, vieil alcoolique bougon, poète ou séducteur, jeune génie de la médecine scientifique ou femme séduisante. Ici, c’est Sylvio Branchini, d’origine italienne, arrivé au Qubec dix ans plus tôt et que Kate a aidé à s’intégrer à son milieu professionnel. Aucune ambiguïté entre eux, Kate connaît bien la femme et les enfants du médecin et apprécie d’être invitée à leur table pour un plat de divins gnocchis.

Si on ajoute les adjoints, Todd, Labonté, Jolicœur, on a une idée assez précise de tous ceux qui vont être directement concernés par cette enquête et qui vont soutenir Kate ou, au contraire, chercher à l’évincer de cette affaire qui semble la concerner de beaucoup trop près.

En alternance, on voit aussi « la Bête » qui prépare ou exécute ses crimes, mais sans savoir qui est ainsi affublé de ce surnom qui exprime toute sa cruauté et sa sauvagerie.

L’auteur tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page, tant par le suspense créé que par l’univers sombre dans lequel évolue l’enquêtrice, mélange de cauchemars et de souvenirs d’enfance qui rendent son existence douloureuse et complexe.

Cette première enquête de Kate McDougall a paru au Québec en 2005, suivie par quatre autres volumes qui devraient aussi être publiés en France. Nous aurons ainsi d’autres occasions de retrouver cette enquêtrice au trouble passé...

Serge Cabrol 
(22/06/16)    



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Noir & polar









Eaux troubles
240 pages - 15 €







Johanne Seymour,
née sur l’île de Montréal, a été comédienne avant de se consacrer à l’écriture.


Bio-bibliographie sur
le site de l'auteur :
www.johanne
seymour.com