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Axel SÉNÉQUIER

Les vrais héros ne portent pas de slip rouge


Derrière ce titre amusant et provocateur se cache un recueil de douze nouvelles.     
La première (Avant-première) nous plonge immédiatement dans ce bain drolatique et effréné qui caractérise l'ensemble du recueil avec un personnage haut en couleur, vigile de son état et passionné de cinéma d'action. Quand celui-ci se trouve l'heureux possesseur, grâce à Fun Radio, d'une place pour la première d'un film de Steven Segall  au Grand Rex, il ne cache pas sa joie. De fait « le scénario n'avait rien d'hitchcockien, les dialogues n'étaient pas d'Audiard, les comédiens n'avaient apparemment pas fréquenté l'Actors Studio et le réalisateur n’inscrirait pas son  nom dans le Panthéon du septième art, pourtant Jean-Claude fut en-chan-té ! Pour lui, il s'agissait tout simplement d'un nouveau chef-d’œuvre qui intégrerait sa DVDthèque à la première occasion. »
Mais, quand les lumières de la salle se rallument, c'est sur quatre hommes armés de Kalachnikovs. Il faut quelques instants aux spectateurs pour comprendre que ce n'est pas là une animation offerte par la production mais un vrai hold-up visant leurs portefeuilles, bijoux et autres objets de valeurs en leur possession. L'opportunité pour Jean-Claude d'appliquer ses classiques et de prouver ce qu'il vaut... « Jamais encore il n'avait pu montrer ce qu'il avait réellement dans le ventre, et là, l'occasion s'offrait enfin à lui. À sa place, Steven, Chuck ou Arnold n'auraient pas hésité une seconde. C'étaient des héros, des vrais, il ne pouvait pas les décevoir après tout ce qu'ils lui avaient apporté.»   
Le Cinéma sera aussi le sujet de la troisième nouvelle (Toiles filantes), mettant en scène un ancien exploitant de cinéma aujourd'hui en maison de retraite lors d'une visite de son fils et d'une projection intra-muros d'un classique, et de la nouvelle intitulée Le rôle d'une vie où un comédien sans travail s'étiole à la poursuite du rôle et du film qui lui sont dus et le révéleront au monde tandis que sa compagne tente de lui ouvrir les yeux. 

Le milieu artistique est globalement assez présent dans le recueil puisque l'héroïne de La patience des tournesols  est actrice de théâtre, que la cinquième nouvelle (La biche) tourne autour d'un tableau, que le héros qui se retrouve en Fin de thérapie est écrivain de métier et que le vendeur à Ikea de Me 4 You s'avère être l'ancien chanteur d'un Boys Band à succès.
Le monde du cinéma ou de l'art est ici pris dans sa dimension de monde parallèle, hors de la réalité quotidienne, où fantasmes, confusion du réel, rêves et illusion ont toute leur place. Un univers qui permet à l'auteur de mettre au centre de ses récits des héros, réels ou auto-affirmés, pourvus d'un ego aussi encombrant que leur immaturité, leurs doutes ou leur souffrance, jusqu'à s'imaginer stars ou dieux en devenir.

Certes, « on ne naît pas héros ou lâche, on le devient à travers ses actes » comme l'écrit  Sartre (L’existentialisme est un  humanisme), mais qu’y a-t-il de plus universel et populaire que ces images omniprésentes de héros qui font rêver et que certains prennent pour modèles ? 
Quoi de plus touchant qu'un gamin de sept ans qui, comme dans un conte, décide d'arrêter le monde de tourner pour sauver sa princesse des  rayons de soleil devenus, depuis son cancer de la peau, son fatal ennemi ? (Mille étoiles et un soleil)
Quel chemin dans l'esprit de cet athlète noir américain au sommet de la gloire quand il prend conscience lors d'une compétition, qu'il ne court pas pour ceux qui l'acclament mais pour ce peuple d'Afrique mis en esclavage, « humilié et mis au ban de l'humanité » où se trouve ses racines ? (La source et l'estuaire)
Comment un vieil ouvrier chinois connu pour sa placidité parvient de façon mystérieuse à empêcher la délocalisation de l'usine où il travaille depuis plus de quarante ans alors que les gros bras du syndicat avaient échoué et que les jeux semblaient déjà faits ? Comment cet homme après cela ne serait-il pas considéré par ceux qu'il a sauvés provisoirement du chômage comme un héros ? (nouvelle titre)
Des deux nouvelles restantes, À fleur de peau et Le contrat, je ne vous dirai rien. La première parce qu'elle m'a paru (peut-être à tort) plus faible que les autres, la deuxième parce que je ne voudrais surtout pas vous priver du plaisir que j'ai eu à me faire piéger par cette nouvelle policière judicieusement menée.

Avec talent, légèreté et justesse,  Axel Sénéquier s'amuse ici à isoler ces occasions qui n'ont rien d'exceptionnel mais peuvent transformer un être ordinaire en superman et permettre ponctuellement à un homme de retrouver une image gratifiante de lui-même.

L'écriture est fluide et efficace, le rythme est vif, le texte truffé de références cinématographiques ou culturelles, l'humour permanent et d'une efficacité redoutable (j'ai vu mes voisins de train jeter un coup d’œil sur la couverture en me voyant sourire, voire rire, le nez dans mon livre).
Bref, il y a là un très bon moment de lecture que vous auriez tort de bouder.
À découvrir !

Dominique Baillon-Lalande 
(29/12/14)    



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Quadrature

(Septembre 2014)
132 pages - 16 €













Axel Sénéquier,
a déjà publié un recueil de nouvelles noires et deux biographies pour la jeunesse sur Jean-Paul II
et L’abbé Pierre.