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Marie-Sabine ROGER


Dans les prairies étoilées


Un couple, Prune et Merlin, vient d’acheter une ferme à retaper. Merlin est aquarelliste d’oiseaux et dessinateur. Il réalise des BD avec des personnages récurrents qui existent pour lui depuis plusieurs albums. Il vit avec eux en permanence et se mêlent la réalité et la fiction puisque certains de ses personnages ont été créés en écho avec des personnes vivantes : « J’ai deux vies – comme tout le monde. Celle du quotidien, de l’action, du réel. Et l’autre, la secrète, dans laquelle je bricole, je retape, j’arrange, je réinvente l’existence des amis et voisins, sur Canson 250 grammes extra blanc à grain fin. »

Le roman nous fait pénétrer au cœur de la création car Merlin se livre à nous pour expliquer comment se passe la création pour lui avec ses doutes, ses pannes de crayon et d’idée, ses enthousiasmes, ses recherches… : « C'est le problème de l'artiste avec sa création. Obscurs Frankensteins que nous sommes, attachés de façon névrotique à nos bulles, nos cases, nos créatures. Illégalement squattés par tout ce joyeux petit monde en cavale, échappé malgré nous de nos cerveaux malades, par une porte dérobée. Une porte entrouverte dans le mur de l'asile qui donnerait sur la cour du fond et, par-delà la palissade, sur le monde réel que je trouve parfois, moi, tellement peu crédible. »

Tout était idéal dans leur nouveau lieu de vie empli de projets d’aménagement et de création jusqu’au jour où ils apprennent la mort de Laurent, un vieil ami qui lisait et donnait son avis sur les BD de Merlin. L’un des personnages essentiels de la BD, Jim, est inspiré de Laurent. Sa mort va bouleverser Merlin, sa vie, sa création, ses réflexions sur sa responsabilité de créateur face aux lecteurs : « Les lecteurs… Mettez une apostrophe, on entend "l’électeur". »

C’est un très beau roman où s’exprime l’ironie de l’auteur sur les créateurs qui sont parfois insupportables quand ils sont angoissés : « Les soucis d'un artiste sont sûrement communs à bien d'autres métiers, même si notre narcissisme voudrait nous faire croire que nous sommes sans doute un petit peu plus uniques, un petit peu plus fragiles, beaucoup plus incompris que la moyenne des gens. Besoin de reconnaissance, crainte du lendemain, et doutes sur nos compétences, voilà notre pain quotidien. »

Les créateurs sont à la fois très fragiles et tout-puissants. Ils peuvent se permettre de tuer les personnes qui les insupportent dans la vie en se vengeant sur certains de leurs personnages.

L’écriture de Marie-Sabine Roger toujours aussi percutante nous mène vers un thème qui touche les créateurs et le public en étant à la jonction des problématiques de l’artiste et des lecteurs que nous sommes. Elle le fait avec beaucoup d’humour et d’enthousiasme. Des parties en italiques s’intercalent avec le récit comme une petite morale ou la conclusion d’un chapitre. C’est un très agréable moment de lecture.    

Brigitte Aubonnet 
(29/06/16)    



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Lectures



Editions du Rouergue

(Mai 2016)
Collection La Brune
256 pages - 20 €





Marie-Sabine Roger,

est l'auteur de plusieurs dizaines de livres pour les enfants, les adolescents
et les adultes.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia



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