Un très beau roman sur une relation mère-fils : "Liouba
tenait à ce que son fils apprenne au prestigieux collège tout
ce dont elle ne se souvenait plus. Qu'il ait le savoir, et la chance d'utiliser
ce savoir. Et elle n'aurait pas supporté de l'avoir dans les pattes quand
elle nettoyait le grand appartement. Elle était seule en son royaume.
Et jamais elle ne baissait la garde."
Liouba fait le ménage dans un grand appartement où les propriétaires
ne reviennent que de temps en temps et sans prévenir. Enzo, son fils
unique qu'elle a eu très jeune, est un adolescent obèse qui a
du mal à vivre dans son corps.
Comment vivre avec un corps si gros au milieu de collégiens qui sont
redoutables ?
Avoir ou non de l'argent, avoir ou non le savoir ? Est-ce que des mondes très
différents, quasiment opposés, peuvent se rencontrer, peuvent
se supporter ?
Le mépris et l'indifférence de ceux qui ont de l'argent face à
ceux qui sont différents peuvent mener à toutes les outrances.
Le désir de Loubia pour que son fils réussisse est parfois très perturbant por l'adolescent.
La violence au collège est très bien montrée mais la violence
de la guerre s'insinue aussi au cur de ce roman.
Enzo est hanté par un soldat qui a vécu l'horreur des tranchées,
qui est-il ? Quel rapport a-t-il avec lui ?
Liouba enterre son passé mais celui-ci réapparaît. Elle
semble enfermée dans un mystère qui l'empoisonne.
Enzo voudrait en savoir plus sur ses origines : "Elle aussi devait avoir
un chagrin en sommeil, une peine en cage qui lui donnait parfois l'air méchant
et, tout de suite après, un peu effrayé d'elle-même, et
alors elle demandait pardon. C'était peut-être à ce moment-là
qu'Enzo devait exiger un indice sur son père, quand elle était
dans la honte de son sale caractère et qu'elle avait besoin de la clémence
de son fils."
Comment se libérer des carcans qui étouffent pour vivre enfin
sa vie ?
La fin ouverte permet à chacun d'imaginer la suite, d'être acteur de sa
lecture et de réfléchir sur le sens que l'on donne à sa vie,
sur ce que l'on peut accepter ou non de l'intolérance et de l'ignominie
imposées par les autres. La perception que l'on a de soi-même peut
se modifier en fonction du regard des autres : "
sa
présence ne les avait pas dérangés. Et c'est cela qui étonna
le plus Enzo."
Brigitte Aubonnet
(17/10/13)