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Marcus MALTE


Fannie et Freddie



Comme à son habitude, Marcus Malte nous entraîne au fil des lignes dans un univers noir et intense où se mêlent le suspense, le social, l’humain, ses folies, ses angoisses et ses remords. Deux textes totalement différents dans ce recueil mais avec des échos concernant les friches industrielles dans ces villes sinistrées après la fermeture d’entreprises essentielles à leur survie.

Dans Fannie et Freddie, Fannie conduit sa Toyota Corolla, traverse l’Hudson et roule vers Manhattan pour se garer dans un parking de Wall Street. Elle va enlever un homme jeune, beau et riche. Quelles sont ses raisons ? Quelles haines la poussent ? Quels souvenirs la hantent ? Quels projets macabres la motivent ? Dans une réalité sombre où se situe la raison ? La réalité peut devenir une terrible fiction dans un monde où tous les repères se diluent : « Ce n’est pas de la gratitude qu’on attend. Seulement un minimum de respect. Juste ça. Du respect. C’est ça que vous n’êtes pas fichu d’avoir, pour la plupart. C’est ça qui nous manque le plus. Tu le comprends, ça ? Hein ? Tu peux le comprendre ? »
Elle est repartie dans le New Jersey avec son "otage" qui ne comprend rien à ce qui lui arrive mais qui va découvrir avec Fannie les ravages réalisés dans les classes populaires par l’escroquerie des "subprimes" qui ont ruiné des millions de ménages.
Marcus Malte décrit le monde ouvrier, le désir légitime d’acquérir une maison, le rapport au travail et à l’entreprise, le fonctionnement des usines… avec beaucoup de respect. Il démantèle l’attitude des tout-puissants comme ont été démantelées les usines, maintenant en ruines : « Ceux qui sont au-dessus de tout. Mais comment ? Comment ils ont fait pour arriver là-haut, si haut ? … En écrasant les autres. C’est comme ça qu’ils font. Ils les piétinent. Ils leur marchent sur la tête, ils leur passent sur le corps. Et les cadavres s’accumulent sous eux. »
Se situe-t-on dans la vengeance de cette femme face à toutes les injustices subies, notamment par ses parents, ou l’espoir fou de se sortir d’une vie détruite ?

Dans Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas, un homme marche sur la plage. Il est policier et il parle de son ami Paul assassiné alors qu’il n’avait que 14 ans. Il est entré dans la police, hanté par cette mort, et veut trouver le coupable car à l’époque l’affaire a été classée comme un malheureux accident. Nous pénétrons dans les méandres et les ambiguïtés du fonctionnement humain. Marcus Malte nous parle aussi de la Seyne-sur-mer, ville sinistrée sur le plan industriel puisque les chantiers navals, la gloire de cette ville, ont tous été fermés depuis bientôt vingt ans : « On n’entend plus le chant de la sirène, qui découpait nos jours, qui marquait notre temps. Qui faisait s’ouvrir grand les portes et nous libérait. On est toujours taulards, prisonniers, mais du néant. » Des mots très forts pour parler de tous ces hommes, ces femmes, ces familles qui se sont trouvés abandonnés puisque sans travail.
Le personnage principal nous parle de son amitié avec son ami Paul qu’il admirait : « J’ai du mal à comprendre ce qui a forgé notre amitié. Pourquoi nous sommes devenus si proches. Inséparables. Etait-ce ce qu’on appelle l’attirance des contraires ? » Nous remontons dans le temps avec lui pour vivre les derniers moments de Paul alors que maintenant, il passe son temps à travailler, passionné par son boulot, cherchant à éclaircir les affaires policières, mais toujours hanté par la mort de Paul qui sans cesse lui revient, surtout lors des congés qu’il est forcé de prendre.
Où se situent les limites, alors que le policier marche, à la limite du sable mouillé et du sable sec, sur la plage où est mort Paul ?
Marcus Malte parle très bien du sentiment de culpabilité.

Deux très beaux textes, portés par une narration et une écriture de force, de tendresse, de nostalgie, de dénonciation d’un monde trop souvent destructeur de l’humain.

Brigitte Aubonnet 
(02/10/14)    



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Lectures








Éditions Zulma

(Octobre 2014)
160 pages - 15,50 €


Vous pouvez lire
sur notre site

un entretien avec
Marcus Malte




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