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Catherine LOCANDRO


L’Histoire d’un amour


À Rome, un matin de 1995, un professeur de philosophie de 50 ans découvre dans le journal un article qui le bouleverse en révélant un secret vieux d’une trentaine d’années. Pas un secret lié au terrorisme ou à la lutte armée, non, le secret d’un amour de jeunesse dont il n’a parlé à personne, ni à sa mère, ni à sa femme. Un secret dont il n’avait d’ailleurs pas toutes les clés et que l’article vient cruellement compléter trente ans plus tard.

En chapitres alternés, et cette construction est une grande force du livre, nous suivons la journée de ce professeur déstabilisé par les révélations de l’article et, d’autre part, la rencontre du jeune Luca en 1967 avec une artiste internationalement connue, appelée pendant tout le roman « la Chanteuse ». Rencontre qui a changé le cours de sa vie.

Luca vivait dans un quartier populaire de Rome avec sa mère et l'un de ses frères, de deux ans son cadet. Son père était décédé quand il avait six ans. Il avait un autre frère, plus âgé, qui était parti s'installer à Milan où il était ouvrier dans une grande imprimerie. Luca avait dû quitter l'école à seize ans, faute de moyens pour continuer. Et puis il devait aider sa mère, qui ne gagnait pas assez d'argent avec ses ménages. Tout en exerçant différents petits boulots, il était devenu livreur pour son oncle qui possédait une boucherie-triperie.

Un bon moyen de gagner de l’argent sans trop d’efforts était de faire de la figuration au Teatro delle Vittorie. C’est là qu’il croise une première fois la Chanteuse sans oser lui parler ni même la regarder. La deuxième fois, il ose l’aborder et lui demander un autographe avec, à la main, un recueil de poésie écrit par l’amant de la Chanteuse qui, en janvier de la même année, s’est suicidé. Les yeux de la Chanteuse s’étaient posés sur le livre, puis sur lui. D’abord sévère, son regard s’était adouci… Ils se reverront le lendemain et leur liaison durera quelques mois.

Relation difficile et douloureuse. Difficile parce que la notoriété de la Chanteuse complique encore la clandestinité de leurs rencontres. Luca se heurte sans cesse aux gens qui entourent et protègent la vedette. Douloureuse parce que quelques mois seulement se sont écoulés depuis la mort du Poète et la tentative de suicide de la Chanteuse qui a suivi cette mort. L’image du Poète est toujours présente. Je n'avais pas compris que j'étais transparent. Tu voyais le Poète à travers moi. En tout cas tu le cherchais, dans cette ressemblance physique dont j'étais conscient, dans l'admiration que j'avais pour lui. Dans ma conviction, qui avait aussi été la sienne, que les idées, et les mots qui les portaient, parviendraient à changer le monde.

Pourquoi et comment leur liaison s’achève, on le saura au fil des chapitres mais on apprendra surtout ce que Luca n’a jamais su jusqu’à la lecture de cet article qui, trente ans plus tard, bouleverse à nouveau sa vie.

Pourquoi cet article en 1995 ? Le frère de la Chanteuse a hérité des journaux, lettres et notes de sa sœur après le décès de celle-ci il y a huit ans. Il en a fait un livre qui vient d'être publié en France, et dont on parle déjà en Italie. Une biographie qui n'omet rien de ce que fut la vie de la Chanteuse, même ce que Luca ignorait et qu'il aurait dû savoir. C'est ce qui lui fait le plus de mal, cette "grande révélation" autour de laquelle le journaliste de La Repubblica a construit son papier et dont il prend connaissance en même temps qu'une foule d'anonymes. Comme s'il n'était personne.

Catherine Locandro indique en avant-propos qu’un véritable article paru le 10 novembre 1995 lui a inspiré ce roman. Elle ne cache pas non plus l’identité de la Chanteuse en citant les deux ouvrages sur Dalida qui lui ont apporté de précieux renseignements. Mais ce livre n’est pas biographique. L’auteur écrit avec beaucoup de force et d’émotion, ce qu’a pu être cette liaison entre une vedette internationale et un livreur qui rêve de lectures et d’études, entre une femme poursuivie par les drames et un jeune homme ébloui ; elle écrit aussi ce qu’a pu être la découverte de secrets dans la presse, trente plus tard, par un Luca de cinquante ans…

Amour, souffrance, rencontre, rupture, toujours le jeu de la vie et de la mort. Catherine Locandro réussit une magnifique tragédie, entre ombre et lumière, avec en fond les rues de Rome, et plus particulièrement du Trastevere.  Au bord du Tibre, un homme se penche sur son passé et ce qu’il découvre le sidère. Quand la littérature met des mots sur le mystère et la complexité des passions humaines…

Serge Cabrol 
(06/11/14)    



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Héloïse d’Ormesson

(Août 2014)
128 pages - 15 €







Catherine Locandro
née à Nice en 1973, scénariste et romancière, a obtenu le prix René Fallet 2005 pour son premier roman, Clara la nuit. L’Histoire d’un amour est son sixième roman.