Retour à l'accueil du site





Mathias LAIR

L'amour hors sol



Frédéric et Alexia se sont connus étudiants, il l’a détestée, ils se sont mariés chacun de leur côté, se sont rencontrés par hasard quelques années plus tard, ont vécu une liaison pendant huit ans, se sont à nouveau perdus de vue et se retrouvent maintenant après une éclipse de vingt ans. C’est la reprise de cette étrange relation que nous décrit Frédéric.

Roman d’amour certes mais aussi, et surtout, roman sur l’amour, sur les différents sens du verbe aimer, presque une recherche, une étude, sur ce que peut être l’amour : « Le réel, le prétendu réel, le platement visible, n'est pas la vérité. Sauf pour les pragmatiques, les scientistes soucieux de mesure objective, d'efficacité, qui parlent de la taille de l’organe, du nombre de contractions à la seconde. Tout cela ne me renseigne guère sur mon amour pour Alexia, alors que j'ai envie de savoir de quoi il est fait. »

Dès qu’ils se retrouvent, à la terrasse d’un café, leur désir de l’autre revient naturellement, toujours aussi fort. Chacun est maintenant séparé de son conjoint, ils sont libres de leurs choix et de leur temps. « Vingt ans après. Bâtir un pont au-dessus de nos vies, ce serait un nouveau triomphe. Je sais à nouveau que tout est possible. » Mais de quoi ont-ils envie ? De quelle nature sera cette nouvelle liaison ? Ont-ils un avenir ensemble ? C’est ce que nous suivons au fil des pages...

Rapidement, Frédéric propose une « règle d’amour ». « Se voir comme maintenant, dans des hôtels que nous ne connaissons pas, ne jamais évoquer notre vie, celle d’ailleurs, être totalement dans l’instant de la rencontre. C’est cela que je veux, j’en ai la certitude absolue : aller au bout de ce qui nous chavire quand nous sommes face à face, éprouver de quoi c’est fait  pour multiplier encore ce qui nous mène au-delà de nous. Elle hoche la tête. »

Chaque chapitre porte en titre le nom d’un lieu : hôtels, châteaux, parc... Les lieux où ils se retrouvent pour faire l’amour. Des chambres rose, framboise, bleue, beige, avec ou sans poutres... Mais pourront-ils respecter leur règle d’amour ?

Frédéric observe Alexia dans l’amour, avant, pendant, après. Il décrit ce qui les unit depuis le début de leur première liaison, le désir fou de l’autre, « cette circulation qui nous rendait à chaque fois un corps nouveau. » Mais aussi ce qui les sépare, lui « le révolté de gauche » et elle à qui il fallait « une touche de féodal, une marque rappelant l’aristocratie passée » et qui, au château d’Amboise ne peut s’empêcher de rappeler que sa mère a bien connu le comte de Paris et la famille d’Orléans. « Alexia et moi ne sommes pas du même monde. Et tout me rappelle dans ce qu’elle me raconte que le mien serait inférieur. »

L’observation de Frédéric est émaillée de références littéraires (Michaux, Albert Cohen, Dante, Balzac, Proust, Joyce ou Aristophane), mythologiques, culturelles, évoquant même Freud ou le Yoga pour définir son rapport au sexe, opposer "l’énergie supérieure" à "l’énergie inférieure", s’interrogeant sur le rapport au sacré. « Je ne crois pas que le sexe et le sacré soient contradictoires, ou rivaux. J’ai plutôt le sentiment d’être religieux en amour. Je suis moniste : c’est dans la chair que je trouve l’esprit de l’amour, je ne les sépare pas. Ce qu’on appelle "baise" est pour moi un rituel qui vaut bien une messe. »

On suit avec plaisir les réflexions du narrateur, cette fine analyse des liens qui unissent des amants, dans le dit et le non-dit, dans les gestes de l’amour, les attitudes qui précèdent ou suivent les étreintes, les moments de fusion mais aussi de rejet, tout ce qui relie et sépare ce couple qui n’en est pas un, et on se laisse conduire, avec un grand bonheur de lecture, par le récit de Frédéric, sur ce chemin au fort parfum d’érotisme dont il ne sait pas plus que nous où il peut bien mener. Un beau roman d’amour et bien plus que cela aussi. On connaissait Mathias Lair poète, le voici romancier. A suivre...

Serge Cabrol 
(31/10/16)    



Retour
Sommaire
Lectures








Serge Safran

(Septembre 2016)
160 pages - 16,90 €














Mathias Lair,
né en 1945 à Elbeuf, a publié jusqu’à présent des poèmes et des récits. Il est par ailleurs psychanalyste. L’amour hors sol
est son premier roman.