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Neuf nouvelles ayant pour décor une ville située à la frontière
de l'Île de France et de la Picardie, au bord de l'Oise.
Des femmes, il y en a beaucoup : Roberte, septuagénaire sensuelle et
coquine, ancienne maîtresse de Victor Bruges, hussard élégant
et écrivain mythique, qui entreprend un jeune écrivain venu au
salon du livre local ou Brigitte/Fatima qui fit basculer le destin du "maître"
(Roberte ou la mémoire du corps) ; Une jeune brunette, danseuse
dans un cabaret parisien qui, pour séduire un amant Afghan exigeant sur
la fermeté des seins, vient chez un étrange ébéniste
creillois pour se faire fabriquer un soutien-gorge en bois et manque de ravager
tout un quartier (Prunelle, brune incendiaire) ; Odile, belle prisonnière
de son corps et de son entretien, embringuée dans une relation adultérine
sordide et une passante, lassée d'attendre son magistrat d'époux
surmené, qui prend plaisir à s'exposer aux vents fripons pour
soulever ses jupes légères et attirer les amants potentiels (Une
jolie Creilloise) ; Une belle rousse qui enflamme un pizzaiolo solitaire
à peine entre-aperçu, sans même s'en rendre compte (La
lionne d'automne) ; Henriette, cette grosse et vieille cheftaine de la confrérie
de la "tarte à clou" ancrée dans l'histoire locale qui
cache une bien lourde culpabilité (La confrérie de la tarte
à clou) ; Une ancienne starlette de cinéma devenue dentiste,
que ses photos en pin-up déshabillée dans les magazine rattrapent
des années après (Catherine Nouvelles). Parfois celles-ci
se confient, à d'autres, elles sont habillées par les mots et
les désirs des hommes... La musique, rock bien évidemment, est la raison de vivre de ce guitariste
d'un jeune groupe massacré par un critique lors de ses débuts
qui paiera bien cher son article (Délicieuses ordures), joue un
rôle tragique dans la vie d'Henriette de la tarte au clou, quand un air
des Stones s'impose sur "La lionne d'automne". L'ancrage dans la société d'aujourd'hui avec ses pathologies
est particulièrement accentué dans l'histoire de ce duo de pieds
nickelés broyés par le monde de l'entreprise, qui projettent sans
y parvenir, d'enlever le polytechnicien et généticien humaniste
Albert Jacquard, pour régler leurs problèmes de fin de mois avec
la rançon exigée (L'enlèvement d'Albert Jacquard).
A la nouvelle suivante, on retrouve les mêmes, plus tard, licenciés
de leur entreprise, qui montent leur petite entreprise de restauration sur des
bases très personnelles (La lionne d'automne). Il y a aussi la
magistrale figure de Roland, ce vieux communiste, qui dans sa maison de retraite
joue les insoumis (Le fibrome d'Aigreline Faucre). Mais quand on y regarde mieux, chacun de ces micro-récits, par le biais
d'une situation anodine ou d'un personnage périphérique
comme la septuagénaire à l'Audi dans La lionne d'automne
quand elle lâche ses vingt mille euros sans frémir ou le magistrat
qui règle les affaires de naturalisation dans La belle Creilloise
génère son lot de réflexions cinglantes ou moqueuses
à l'adresse de cette société libérale qui vide les
têtes, marche à l'envers et rejette à ses marges les siens.
Ces neuf nouvelles qui ne craignent ni l'usage de la sensualité et de
l'érotisme, ni la tendresse que l'auteur prend plaisir à laisser
s'installer, sont brillantes et pleines d'émotion. L'humour peut y être
ravageur et l'ensemble, passablement déjanté, dégage un
parfum de légèreté, a des allures de pochades aptes à
provoquer le sourire. Mais en arrière-plan, derrière le rire et
la fantaisie, le ton peut se faire grinçant et cacher une critique feutrée
mais constante de ces temps d'hygiénisme, de libéralisme fou,
de bien-pensance intellectuelle et de consommation, auquel Philippe Lacoche
semblerait bien préférer l'air d'antan. On sent comme un relent
de nostalgie dans ces manifestations d'admiration pour les Hussards et les auteurs
comme Marcel Aymé, Jacques Perret, entre autres, qu'il connaît
sur le bout des doigts, comme un vieil attachement non démenti à
la lutte de classes et à sa jeunesse. Avec ses "maîtres", Philippe Lacoche partage une rigueur de
construction sans faille, une élégance d'écriture peu courante
et une légèreté de principe qui fait la nique au désespoir. Dominique Baillon-Lalande |
Sommaire Lectures Le Castor Astral (Novembre 2012) 120 pages - 12 €
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