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Sylvain KERMICI


Hors la nuit



« Vos parents sont morts et vous êtes seul. » Dès l’incipit et cette deuxième personne à la Butor, vous êtes agrippé, obligé de suivre cette histoire en y laissant un peu de vous-même. Vous, narrateur-lecteur, êtes comme sa mère, atteinte d’Alzheimer « pas au point mort, plutôt en suspens, flottant en dehors de toute peur ».

Dans le métro, vous « respirez à peine les mains sur les genoux, la tête droite ». Le dodo, « une planque » un studio meublé, « pour l’aménagement duquel vous ne ferez aucun effort », dans un quartier où « les travaux ont déterré un nombre d’objets hétéroclites dormant dans la boue jaunâtre ». Le boulot, c’est une « longue journée passée dans la moiteur du bureau à ouvrir et fermer des dossiers à la chaîne avec comme seule présence le ficus en plastique dont les feuilles ploient sous les couches de poussière ». Vous êtes là, mais rien ne vous agrippe vraiment, aucun attrait, vous n’êtes « pas au point mort, plutôt en suspens » dans la société. Sans savoir si c’est cause ou effet, en enfant de Dan Fante vous buvez. Pour l’instant c’est gris, clair ou foncé, vous choisissez, c’est l’itinéraire d’un inadapté à la vie sociale.

Et la ballade (car c’est un chant) vire au noir. Une fixation, Isabelle, pour laquelle on peut trouver mille raisons, mais aucune de valable, le plonge dans un délire, une démence obsessionnelle où le motif se répète comme dans une musique de Steve Reich ou Philip Glass. Obsession, délire qui croît en violence au fil des pages, « lorsque l’image du père sur le lit d’hôpital revient vous hanter, malgré vos efforts éthyliques, vous avez envie de hurler, de recracher la violence qui vous a conduit jusqu’ici » comme il est dit dans le théâtre abandonné dans lequel vous vous rendez le soir. Dans les coulisses ou sur scène se joue la cruauté mentale. La ballade se noircit jusqu’à l’envoi.

Pour un premier roman, c’est un petit noir bien serré (une centaine de pages) qui cogne le lecteur.

Michel Lansade 
(28/03/15)    



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Noir & polar









Gallimard / Série Noire

112 pages - 9,90 €