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Ce roman entremêle deux histoires très différentes qui se déroulent en des points du globe très éloignés. D’un côté, on a, ici et maintenant, un homme richissime, François Sauval, inventeur d’un algorithme qui a fait sa fortune, qui cherche, à quarante-cinq ans, comment donner un nouveau sens à sa vie et choisit de se lancer dans un défi extrême : battre le plus grand nombre de records possible, détenir le record des records. De l’autre côté de l’Atlantique, on a un peuple amérindien, les Charahuales, dont la langue disparaît de siècle en siècle jusqu’à n’être quasiment plus parlée aujourd’hui. Ces deux histoires, celle d’un homme et celle d’une langue, vont s’alterner de chapitre en chapitre. Parviendront-elles à se croiser vraiment ? On le suppose, on l’attend, la fin du roman le dira... Dès les premières pages, on voit le narrateur errer dans les gravats d’une villa détruite entourée d’un vaste jardin en friche. « L'immense maison en ruines n'est plus la superbe hacienda que j'ai découverte à mon arrivée au Honduras. Abandonnée depuis des mois, elle ressemble à présent au palais d’un dictateur africain après sa mise à sac. » Qui est ce narrateur ? Que fait-il là ? Quand et comment y est-il arrivé ? Il va nous l’expliquer... En alternance avec les aventures plutôt folles de François Sauval cherchant à battre des records du monde dans tous les domaines, on découvre les Charahuales et des bribes de leur histoire. « Que sait-on de ce grand néant baptisé "Amérique précolombienne" ? On ignore presque tout de ces trente mille ans tant les Européens se sont évertués à trucider les populations, démonter les temples pierre par pierre et brûler tout le reste dans une frénésie de destruction légitimée par l'éloignement, le droit et l'appât du gain. » L’auteur montre aussi les effets désastreux du développement de la culture de la banane au Honduras. « En posséder revient à indiquer toute indépendance. Mieux vaut ne rien avoir du tout que des bananeraies dans lesquelles les indigènes meurent à la tâche et se font mordre par des serpents cachés dans les régimes. On ferme sa gueule pour un salaire de crève-la-faim en espérant tout du paternalisme local, une case préfabriquée et un ventilateur. Le pays est à ce point noyauté par le fruit et ses thuriféraires que le journaliste américain O. Henry inventera en 1904 l'expression "république bananière" pour le décrire de l'intérieur. » On rencontrera ensuite Tihmia, la petite-fille de Cualli, qui n’a pas oublié sa langue, le matagalpa, et ces temps anciens où les Charahuales étaient encore des ombres, et puis la vieille Ara qui habite seule dans une clairière au bord du rio Nakunta… Ce livre est un roman d’aventures, vif et passionnant, mais aussi une réflexion sur un monde à deux vitesses, le monde de François Sauval où se constituent des fortunes de plus en plus gigantesques qui génèrent des rêves de plus en plus fous, et le monde de Tihmia et Ara où des peuples et des langues disparaissent sous l’effet des guerres, d’une exploitation à outrance et de la destruction des milieux naturels. Le narrateur nous conduit d’un monde à l’autre et ce parcours est aussi fascinant que monstrueux. Voilà un ouvrage tout à fait salutaire qu’on lit avec plaisir et qu’on ferme à regret, dont les personnages nous obsèdent longtemps après la fin de la lecture. On avait beaucoup aimé Libertalia l’année dernière, on attend maintenant le prochain avec impatience… Serge Cabrol |
Sommaire Lectures Intervalles (Août 2016) 240 pages - 18 €
Bio-bibliographie sur le site de l'auteur : www.mikaelhirsch.fr Découvrir sur notre site le précédent roman de Mikaël Hirsch : Libertalia |
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