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Thomas GORNET

Sept jours à l'envers


Je ne sais pas comment ça s'appelle, ces grands arbres tout droits et très noirs. Ça fait des traits de gros pinceaux dans le ciel.

Quand une personne qu'on aime meurt, c'est comme une déflagration, un tremblement de terre, un tsunami, un gros caillou jeté au milieu du lac des jours. Quand, après, on se réveille de sa sidération, sur les derniers cercles que l'onde de choc a produits, on a du mal à reconstruire les événements, à redessiner les autres cercles, à remonter le temps jusqu'au drame.

C'est ce que pourtant va faire le narrateur de 13 ans dans ce petit livre de huit chapitres, très courts : remonter du dimanche qui suit l'enterrement au dimanche de l'accident. Une semaine s'est passée depuis la mort de son jeune oncle, le petit frère de sa maman, comme son grand frère à lui, adulte-copain rigolo qui vient le chercher en voiture pour l'emmener au cinéma ou le garder quand il est malade, faire des crêpes, discuter, lui réserver une bonne surprise, lui raconter des blagues, lui poser, au téléphone, des devinettes impossibles qu'il doit résoudre pour le prochain rendez-vous.

Chaque chapitre porte le nom d'un jour et raconte ce qui s'y passe, puis le précédent : sept jours pour remonter jusqu'à l'indicible : ce qui en une minute a pulvérisé sa vie et celle de ses parents. C'est par des détails, le visage de plus en plus déformé par le chagrin de sa mère, les repas de plus en plus aléatoires, le silence dans la maison jusqu'au hurlement initial, la désorganisation totale de sa semaine de collégien et de la vie familiale, que l'épreuve du deuil est racontée.

C'est subtil et efficace : plus on avance dans la lecture plus on découvre l'origine des bouleversements que vit le jeune collégien mais on lit aussi, dès le début, la douleur qui se stabilise, les habitudes qui reprennent doucement, la famille entrée en convalescence. Commencer par ce bout-là du chagrin réaffirme que la vie est plus forte que la mort et ça fait du bien. La narration à rebours est entrecoupée d'écrits en italiques, le souvenir de bouts de conversations avec son oncle, le souvenir qui fait que les morts ne sont pas complètement morts.

Et là, alors que je noie mon plat de ketchup, papa me dit :
– Ça va mieux, maman. Ça va aller de mieux en mieux.
Moi, je sais pas trop quoi répondre alors j'arrête de presser le tube de ketchup et je commence à mélanger la mixture dans mon assiette.
– Je dis pas qu'elle va oublier. Ou passer à autre chose.
Coup de fourchette. Mâche.
– D'ailleurs personne ne lui demande.
Gorgée de bière. Déglutit.
– Et puis personne n'oubliera. Ni elle. Ni moi. Ou toi.
Coup de fourchette. Mâche.
– On n'oublie pas. On fait avec.

A la fin du roman, qui est le début de l'épreuve, le chrono est lancé pour trouver la réponse à la dernière devinette, mais il continuera à tourner, pour toujours, on n'aura pas la solution.

Sylvie Lansade 
(21/10/13)    



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Jeunesse








Éditions du Rouergue

Collection doado
80 pages - 8,70 €








Thomas Gornet,
né en 1976, est comédien, metteur en scène et auteur de livres pour la jeunesse.


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de Thomas Gornet