Août 1915, dans la ville de Bursa au nord-ouest de la Turquie.
Un dimanche à l’aube, toute la famille d’Anouch est brutalement réveillée par des policiers qui tambourinent à leur porte. On vient remettre au père de famille une lettre dont le contenu l’effondre : un ordre de déportation émanant des hautes autorités. La famille dispose de trois jours pour rassembler ses affaires et partir. Ils doivent officiellement voyager jusqu’à Konya, à mille kilomètres de là.
Un long et terrible voyage commence pour Anouch, alors âgée de 13 ans.
Les déportés arméniens progressent au rythme imposé par leurs oppresseurs. Le convoi est régulièrement stoppé sur des terrains vagues. Des tentes de fortune sont installées et les familles essaient tant bien que mal de s’organiser pour survivre. Hommes, femmes, enfants, nourrissons, vieillards ; tous souffrent de la faim, de la soif et subissent des violences inouïes.
C’est lors de l’un de ces arrêts qu’Anouch va rencontrer Dikran, un adolescent qui l‘aide à porter son seau lors des corvées d’eau. Un matin, le camp est saccagé par la police qui donne l’ordre de départ.
Au petit matin, nous avons vu arriver le train. C’était un très long convoi composé de fourgons à bétail. Les gendarmes nous ont poussés avec leurs bâtons et nous ont forcés à nous serrer à quatre-vingts personnes par wagon, avec tous les bagages. Impossible de faire le moindre mouvement sans heurter les corps voisins.
Les deux jeunes gens sont alors séparés.
Le voyage, toujours plus pénible, va durer encore plusieurs semaines. En fait de pouvoir s’établir à Konya, Anouch et les siens vont apprendre qu’ils sont déportés vers la Mésopotamie, la Syrie.
De déménagement en déménagement, la famille va tout faire pour survivre.
Bien loin de leur vie d’autrefois, ils vont connaître des moments d’une rare violence, mais aussi faire de belles rencontres, profondément humaines, de celles qui vous donnent l’énergie nécessaire, malgré l’horreur, pour continuer à vivre et avancer.
Le récit, très riche, nous plonge, avec délicatesse et pudeur, au cœur d’un moment sombre de l’Histoire, celui de l’un des plus meurtriers génocides du XXe siècle.
Les mots de vocabulaire spécifiques sont expliqués en bas de page.
Ma mère a versé le jus foncé et fumant dans les tasses minuscules. Comme à chaque fois, j’ai admiré la façon qu’elle avait de faire trembloter son poignet pour que le liquide s’écoule du cezve¹ en tout petits jets et que la mousse brune soit bien répartie.
1. Petite casserole en cuivre dans laquelle on fait bouillir l’eau avec le café et le sucre.
Le roman, fort et émouvant, est inspiré d’une histoire vraie. L’histoire poignante d’une adolescente meurtrie par la déportation et mue chaque jour par l’espoir de retrouver le jeune garçon dont elle est tombée amoureuse.
Cécile De Ram
(28/04/15)