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Nous sommes dans l'hiver 1956. Dans la ville haute de Draguignan, dans le sud-est de la France, Anna, huit ans, arrivée du Liban, vit ses premiers mois d’exil. Le soleil, les couleurs de la vie et les rires de Fabio, son cousin et son complice, laissés derrière elle lui manquent atrocement et elle peine à croire aux dires de son père quand il se proclame heureux d'être là. Un soir de pluie, sur le chemin du retour de l'école, elle s'égare dans un quartier qu'elle ne connaît pas et entre par hasard dans une maison. Là, habite Jean dit « Yervant », un homme fragilisé par la perte de son métier de relieur à la suite d’une mutilation de la main et par un passé douloureux lié à l'exil. En Turquie, à l’âge de neuf ans, il a été confronté à l’enlèvement d’Anouche, la fille de sa nourrice arménienne et n'a jamais pu oublier la dernière vision qu'il a eue d'elle : un corps ensanglanté enlevé comme un paquet par un homme à cheval. Anouche avait alors l’âge et le visage d’Anna et cette apparition inopinée donne au vieil homme le courage de se plonger dans la valise d'archives laissée par son père. Là dorment des carnets, des lettres, des cartes, des photos et même un châle ayant appartenu à sa nourrice arménienne. Il y lit que « des barques chargées d'enfants et de vieillards étaient parties pour une destination inconnue et qu'elles étaient rentrées vides peu de temps après » et trouve confirmation que « des charrettes avaient quitté la ville vers les montagnes » mais n'en apprend pas beaucoup plus dans l'immédiat. Il lui faudra suivre pas à pas l'enquête menée par son père, examiner avec attention chaque pièce collectée, comme ces messages clandestinement rédigés par une religieuse ou cette carte postale d'une ville en plein désert où Alep peut être identifié, pour que la réalité du génocide arménien de 1915 s'impose peu à peu à Jean comme auparavant au père. Pendant l'arrêt de travail du blessé, l'imprimerie où il travaillait fait appel au père d'Anna pour honorer une commande urgente de livres. Un hasard qui amènera Jean et la fillette à se croiser de nouveau et à se revoir chez elle... Le style est sobre, vif et efficace, les personnages profonds et attachants, et on prend plaisir à cheminer avec eux entre grande Histoire et émotions personnelles au fil de ce récit sensible qui aux rancœurs, à la haine et au repli oppose la générosité, la réconciliation et l'espoir. Dominique Baillon-Lalande (25/05/16) |
Sommaire Lectures Serge Safran (Avril 2016) 172 pages - 15,90 €
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