Retour à l'accueil du site





DOA

Pukhtu
(primo)


C’est la guerre en Afghanistan, premier producteur d’opium, et dans les zones tribales du Pakistan (une carte nous aide à nous situer). Il y a des soldats américains, des mercenaires américains, Al Quaida, les talibans, la Border police pakistanaise et les contrebandiers qui appartiennent à tous les camps, nerf de la guerre pour certains, nerf de la fortune ou de la retraite pour les autres.

C’est la guerre, pas le bien contre le mal, rien que le mal : « Si dieu avait voulu foutre de la morale dans la guerre, il n’aurait pas inventé la guerre. » Rien que la guerre avec ses armes anciennes ou nouvelles : le M249, le fusil mitrailleur RPK, le Glok 26, l’hélico MH6 Little Bird, La Kalachnikov modèle 47, Les Suzuki Carry 4x4, parfois kamikazes, le Kard, le drone Predator et le téléphone portable. Une guerre et une guérilla modernes qui ressemblent à toutes les précédentes, qui n’épargnent ni les hommes (encore moins les femmes), ni le « pukhtu », l’honneur des pachtounes. Tous se font la guerre entre eux et à eux-mêmes.

C’est une guerre avec ses doubles jeux, ses infiltrés, ses trafics et ses services secrets. Bien modernes car elle s’étend dans le monde, en Afrique, au Kosovo et en France. Ici elle est plus discrète mais pas moins cruelle.

Dans cette situation, dans ce décor, on suit une foison de personnages (il y a un index des personnages à la fin du livre) qui forme des récits qui se croisent, s’emmêlent et jouent avec les genres. Fox, l’ambigu paramilitaire américain qui fait son boulot de soldat et aime comme il peut la prostituée défigurée afghane Storay, pas de fleurs sans fumier, Sher Ali poursuit sa vengeance, comme dans un western, pas seulement pour le pukhtu mais surtout par amour, Voodoo organise des  assauts mais aussi d’étranges transports en Europe comme dans un polar, Amel, journaliste française poursuit Alain et Chloe, par amour ( ?), par vengeance ( ?), comme dans un suspense psychologique, Peter Deng, journaliste américain, englué dans un désert affectif, cherche, en bon professionnel, la vérité, mais…

Communiqués de l’armée sur les pertes humaines, articles de presse qui corroborent les  activités des paramilitaires, se mêlent à la fiction, aux récits, les suivent ou les précèdent. Nous passons sans arrêt du réel (un vrai faux ?) à la fiction (un faux vrai !) d’où le sentiment qu’ils ne font qu’un. Aide à ce sentiment l’écriture du récit à minima : « Rentrer, Pierce, rester, Voodoo, partir, seul, très seul. Egaré. Bourré ou sobre, avec une infinité de minutes éveillées devant lui, le bordel dans la tête de Fox est rapidement devenu intolérable. »

Au final, à une guerre totale, un roman total. Un gros livre engrossé gravement de la noirceur du monde. Vivement le secundo.

Michel Lansade 
(08/06/15)    



Retour
Sommaire
Noir & polar







Gallimard / Série Noire

(Avril 2015)
688 pages - 21 €


Premier volume d'un diptyque, le second paraîtra en octobre 2015.





DOA (Dead On Arrival),
né à Lyon en 1968,
nouvelliste et romancier,
est aussi scénariste
pour la série Braquo.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia