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Nous sommes dans les années cinquante. Un enfant de dix ans passe comme chaque été ses vacances en famille sur l'île d'Ischia, au sud de l'Italie. Un bain de nature et de liberté qu'il vit toujours avec gourmandise, mais cette année, pour la première fois, il y est seul avec sa mère car le père est parti avec la sur en Amérique à la recherche d'une meilleure situation. C'est un gamin maigre et timide, empêtré dans un corps qui refuse
de grandir, bloqué dans l'enfance. Un garçon sensible et studieux
qui, nourri par les livres empruntés à son père, a déjà
l'impression de "connaître les adultes de l'intérieur".
Alors il s'isole et observe les pêcheurs. L'un d'entre eux le prend même
sous son aile, lui expliquant les gestes et l'esprit de son métier
"En mer, c'est pas comme à l'école, il n'y a pas de professeurs.
Il y a la mer et il y a toi. Et la mer n'enseigne pas, la mer fait, à
sa façon." , acceptant même de l'embarquer sur son
bateau pour lui permettre d'assister à une pêche. Un moment fort. Sur le sable cet été-là, à l'ombre d'un parasol,
une fille un peu plus âgée dévore un polar par jour. Le
garçon la regarde avec curiosité, mais c'est elle qui prend l'initiative
de lier conversation. Mais leur amitié provoque la jalousie et la haine de trois adolescents
qui lorgnent sur la fille et aimeraient obtenir ses faveurs. Quand ils prennent
leur rival pour cible, tentent de l'impressionner, et semblent décidés
à lui régler son compte, le gamin ne fait rien pour être
épargné. Plus encore, conscient de la violence qui les anime et
du risque encouru, il offre à leurs coups ce corps d'enfant dans lequel
il se sent à l'étroit. "Je le dis sincèrement que
je n'ai pas peur de me faire mal. Ça m'est égal. Mon corps ne
m'intéresse pas et il ne me plaît pas. C'est celui d'un enfant
que je ne suis plus. Je le sais depuis un an, je grandis et mon corps non. Il
reste en arrière. Et donc peu importe qu'il se casse." Si les poissons ne ferment pas les yeux, le jeune garçon non plus quand
il embrasse pour la première fois, au bord de l'eau, celle qui le trouble.
Pas plus quand il est frappé par les voyous. Au final, la découverte amoureuse ponctuée de quelques baisers échangés au bord de l'eau, le passage à tabac se transforment en épisode initiatique et fondateur et permettent à l'enfant d'atteindre le but espéré : sortir de l'enfance, s'éveiller à la conscience du monde et à l'altérité, pour se transformer à jamais. A travers le récit d'un homme de cinquante ans, du vagabondage de sa
pensée et de ses souvenirs, Erri De Luca nous livre les émotions
et les aspirations du gamin qu'il était à dix ans. L'enfant d'alors
découvrait au seuil du monde adulte que le verbe aimer n'est pas qu'une
déclinaison apprise au cours de latin, que le monde extérieur
s'affronte les yeux grands ouverts. On retrouve ici la langue sans fioritures ni effets, sobre mais dense, imagée
et colorée parfois ("Aujourd'hui je racle l'assiette de l'horizon
jusqu'à la dernière lumière") avec laquelle l'auteur
sait si bien parler à la sensibilité de ses lecteurs. L'ensemble,
constitué de phrases courtes parfaitement ciselées et organisées
en courts paragraphes au rythme vif, est porté par la petite musique
propre à Erri De Luca, faite d'équilibre, de fluidité,
de simplicité et de sérénité mélancolique.
Tout en charme. Ce dernier roman d'Erri De Luca est aussi un hymne vibrant à la femme et à la vie. Tout est dans ce titre superbe, Les poissons ne ferment pas les yeux, qui exprime avec poésie la volonté de regarder en face la cruelle beauté de l'existence. Un récit lumineux. Dominique Baillon-Lalande |
Sommaire Lectures Editions Gallimard (Avril 2013) 144 pages - 15,90 € Traduit de l'italien par Danièle Valin Folio (Novembre 2014) 128 pages - 5,60 €
Wikipédia Découvrir sur notre site un autre livre du même auteur : Le jour avant le bonheur |
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