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Emmanuelle de BOYSSON
Le bonheur en prime
Le bon plaisir de monsieur Jules
Jules Berlingault est un monsieur très vieux et très riche, servi
par Gaspard, un majordome très dévoué à qui il a
promis, dans un accès de colère et d'enthousiasme tout à
la fois, de léguer son immense fortune. Et voilà que le milliardaire
change d'avis, qu'il propose de partager aussi sa fortune entre quatre voisins
occupant des chambres de bonnes de son immeuble parisien, quatre voisins qui
ne s'entendent pas et l'expression est faible. Ils hériteront
à une condition, bien sûr : que tous les quatre trouvent le bonheur
ensemble.
Tout ce petit monde se retrouve sur l'île de Ré : Jules et son
majordome Gaspard ; Luna, une jeune fille un peu larguée ; Antoine, un
"nègre" aigri ; Patrick, un militaire colérique et son
épouse Rose, retoucheuse. Sans oublier les animaux, deux chiens et un
chat. Crédit illimité : les invités font valser la Carte
Bleue de leur amphitryon, sans complexe. Gaspard râle, il voit une grande
partie de l'héritage lui échapper, et il n'a aucune intention
de laisser faire.
Ne pas se fier aux apparences, ni aux a priori. Le Bonheur en prime,
d'Emmanuelle de Boysson, est une fantaisie bien plus profonde qu'il n'y paraît.
Sous un argument pouvant passer pour simpliste, et derrière le décor
un peu snobinard de l'île de Ré, c'est une sorte de comédie
sociale qui se joue. Détournant le proverbe qui affirme que l'argent
ne fait pas le bonheur, l'auteur s'emploie à montrer, avec humour, que
le bonheur est accessible pour peu que l'on soit aidé et guidé
par quelqu'un qui croit et veut croire en vous. Dans le roman, c'est le bonheur
qui fait l'argent.
Le vieux Jules, organisant les déplacements et occupations de ses invités
sans jamais quitter sa chambre ou le jardin, comme un dieu tutélaire
bienveillant, s'emploie à extirper de tous le meilleur d'eux-mêmes.
Rose est retoucheuse ? C'est simplement que l'opportunité d'être
styliste ne lui a pas été offerte. Chez les trois autres, Jules
saura également dénicher le talent caché, ou nié.
Le vieil homme arrange toujours les choses, force le destin, utilise son carnet
d'adresses conséquent et son influence quasi illimitée
pour que son souhait se réalise. Il veut créer l'harmonie
à partir du chaos.
Le narrateur, c'est Gaspard. Avoir confié au majordome la relation des
faits est une belle et bonne trouvaille : sous les sarcasmes du domestique,
et par les indices qu'il sème à propos de son passé, dans
ses carnets se dessine "en creux" une personnalité ambiguë.
Le majordome poli et dévoué depuis quarante ans n'est peut-être
qu'une belle image, de la même façon que les manières populaires
et parfois rudes des quatre voisins peuvent cacher quelques trésors.
Le roman sera adapté pour la télévision. Quels comédiens
incarneront ces personnages ambivalents, dans les décors naturels de
l'île de Ré ? Quel metteur en scène dirigera cette comédie
grinçante ? Tous devront faire montre de tout leur talent pour rendre
justice à l'empathie déployée par Emmanuelle de Boysson
dans son roman.
Christine Bini
(03/06/14)
Lire d'autres articles de Christine Bini sur http://christinebini.blogspot.fr/
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Sommaire
Lectures

Flammarion
(Mai 2014)
300 pages - 18 €

Emmanuelle de Boysson,
née à Paris en 1955, est l'auteur de nombreux
essais et romans.
Bio-bibliographie
sur le site de l'auteur :
http://emmanuelle deboysson.fr/
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