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Brigitte AUBONNET


Violences



Sept nouvelles qui évoquent l'intime et la complexité de la communication entre les êtres dans des milieux divers, qui vont de l’extrême pauvreté  (Les chaussures) à l'été passé chez des amis au bord d'une piscine (Le piège) en passant par un voyage sur mesure avec guide personnel dans le désert (Ailleurs).
 
Ici, les héros se trouvent tous à un moment de leur existence où, fragilisés, ils voient les souvenirs remonter à la surface. Et les coups, la misère, la guerre, l'exil s'y font leur place aussi sûrement que  les petites joies, l'amour ou le goût de la liberté, éminemment.
Des vies captées dans l'instant mais marquées par les cicatrices de l'enfance.
«J'étais le petit dernier. Après moi, plus d'enfants. Il n'était plus là. Qui était-il ? (Poursuivi)
Cette dernière question, ici liée à l'image d'un père jamais connu,  se retrouve en pointillé  dans l'ensemble du recueil sous la forme d'un questionnement récurant sur ce qui fonde l'identité profonde de chacun, entre liens et choix. 

Il est dans ces nouvelles fortement question d'évasion face à l’oppression ordinaire et d'enfermement, au sens stricte du terme dans un établissement carcéral (Échanges) mais aussi symboliquement entre les murs qu'un époux, un père, un milieu, ont pu élever autour de chacun pour le protéger ou empêcher tout envol. L’échappatoire, qu'elle soit sentimentale, prenne un air de vacances ou épanche sa soif de grand espace ou de solitude dans le désert, se double souvent d'un besoin prégnant de lecture, comme  pour madame Toussot qui « préfère un bon livre à un bon repas », trouve que « la lecture s'harmonise aussi parfaitement avec du bon vin »,  se livre toute à « ce monde fictionnel de la littérature érigé en rempart de la réalité ». « Elle empilait les mots sous ses yeux. Elle empilait les histoires dans sa tête pour voyager, trembler, s'émouvoir dans d'autres vies. » (Les boutons)
C'est ainsi que l'auteur, loin du cliché touristique mais au plus près des individus, nous invite aussi à un voyage au-delà de la Méditerranée (Ailleurs, Mensonges), ou en Indochine (Poursuivi), sans aucun exotisme mais avec une attention prononcée pour la richesse des paysages ou de ces cultures aux teintes différentes. Sans angélisme aucun, n'hésitant pas à évoquer dans le même temps la difficulté des mélanges culturels dans  ces trois nouvelles mais aussi dans Échanges.
« Quinze ans d'exil. Les dernières années, il n'osait plus revenir en vacances. La peur d'être retenu, empêché de retourner à l'usine, son enfer et sa liberté. » (Mensonges)

Celui qui se retrouve soudainement sous le regard curieux et bienveillant de Brigitte Aubonnet peut appartenir à la génération des vieux devenus solitaires mais parfois encore dotés d'une énergie et d'un goût pour la vie à toute épreuve ou à celle de la relève cherchant à se faire sa place et à se trouver.
Certes, les relations familiales sont souvent entachées de rancunes et de frustrations et l'avenir de désillusions mais chacun, à sa façon, tente de se battre avec ses  propres armes contre ses démons, son passé, la solitude  ou ce qui l'opprime au présent, à l'image de cette violence, sans rixe ni cadavre, qui rôde ici de façon larvée, masquée, mais d'autant plus angoissante qu'elle se cache dans les replis de notre quotidien, qu'elle nourrit et se nourrit de la réalité de notre société malade.
« C'est ma mère. Sa voix monte le long des fenêtres. Une fumée d'ordures. […] Son menton avance  comme une pique qu'elle tiendrait face à elle pour attaquer toute personne qui l'approcherait. Peur d'être caressée. Peur d'être aimée. […] Elle m'a toujours touchée comme un ballot de linge sale. […] elle pue. Faut bien qu'il y en ait qui bossent dans les sardineries mais ç'aurait pu être quelqu'un d'autre que ma mère […] Je ne veux pas la même vie. Je veux me battre. » (Les chaussures)

L'écriture, simple et rigoureuse, s'illustre par une sensibilité toujours à fleur de mot, le goût du détail, la liberté de jouer des répétitions et des images dans sa mise en musique des pensées de ses personnages pour en alléger ou densifier l'écho,  la succession de phrases courtes qui savent à merveille jouer avec le silence.
Il en résulte un recueil à la fois riche de sa diversité mais d'une profonde cohérence où l'individu, au centre, palpite, souvent blessé et paradoxal, mais toujours pris dans son humanité et nimbé d'une lueur d'espoir.  

Dominique Baillon-Lalande 
(07/08/14)    



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Lectures










Le bruit des autres

176 pages - 14 €



En couverture,
une peinture de
Michèle Cavalleri






Brigitte Aubonnet,
romancière et nouvelliste, est aussi orthophoniste. Elle anime des ateliers d'écriture ainsi que des rencontres littéraires en milieu carcéral. Vice-présidente de l'association Ortho Bénin France, elle participe régulièrement à des missions auprès d'enfants sourds béninois. Son recueil, Le bleu des voix, a obtenu une bourse de la SGDL en 2004.
Lire sur vos lèvres a été finaliste pour le prix
Handi-Livres.






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