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Max ALHAU

Ailleurs et même plus loin


Parfois, dans notre vie, quelque chose dérape et les événements nous entraînent là où nous n'imaginions pas aller. Ainsi, dans la première nouvelle, qui porte le nom du recueil, nous sommes avec Manuel Rosario qui, arrivé tôt à l'aéroport pour prendre un vol pour New York, sera emmené dans un avion pour une destination inconnue où il se découvrira sans-papiers, invisible aux personnes qui l'entourent :

Au bout de quelques instants, enfin, l'homme s'adressa à lui et prononça d'une voix neutre : Vous êtes bien Manuel Rosario, ingénieur, demeurant 15 rue Lagos, à X., né le 12 juin 19.. Vous êtes divorcé sans enfant. Le numéro de votre carte bancaire est :……… Vous ne souffrez d'aucune maladie déclarée. Votre casier judiciaire est vierge. Vous n'appartenez à aucun parti politique. Vous êtes sans religion. Vous travaillez aux établissements Y….. depuis quatre ans. Il s'arrêta. Manuel Rosario était stupéfait d'entendre l'énoncé de ces données. Comment pouvait-il être fiché de la sorte, alors qu'il n'avait jamais commis le moindre méfait et n'avait jamais eu affaire ni à la justice ni à la police ? Abasourdi, il ne répondit pas tout de suite. L'homme le regarda longuement : Vous n'avez rien à ajouter ? Il secoua les épaules : Non, rien. Je voudrais simplement prendre mon avion pour New York. On verra plus tard, répondit l'autre. Pour l'instant, vous allez me suivre.

C'est ainsi qu'il se retrouvera dans une ville dont il ne saura jamais le nom.

Il avait perdu toute notion de temps : chaque jour était le calque du précédent, en revêtait la même couleur grise, uniforme. Il s'efforçait de rallier quelques points de son existence, de ceux qui ne lui apportaient pourtant que de mesquines satisfactions. Tout cela semblait s'effacer progressivement, ne plus lui appartenir.

Comment tenter de survivre dans une ville où rien ne vous est accessible, où les gens qui passent à côté de vous ne vous voient pas, ne vous seront d'aucune aide ?
Max Alhau dans cette nouvelle nous entraîne à saisir ce que peut être la vie des sans-papiers dans nos cités, les enjeux qui les tiennent à travers le désespoir qui n'est jamais loin. Dans ce chemin infernal que vit le personnage, Max Alhau m'a fait penser au nouvelliste et romancier Pierre Joffroy qui en renversant les situations savait nous faire toucher de près des problèmes de société d'un point de vue humain. C'est ce que fait Max Alhau de façon magistrale ici.

Suivent sept autres nouvelles qui utilisent le même principe d'un accroc dans le continuum. Que ce soit : Au bon soin de l'absent (où Paul Lavoine, intrigué par une voiture abandonnée, va prévenir la gendarmerie et se retrouve tenaillé par cette histoire) ; La mémoire d'un autre (où notre personnage sort de l'hôpital sans ne plus rien savoir : qui il est, pourquoi il a été opéré, ne se souvenant même plus de ses parents qui pourtant sont venus régulièrement le voir à l'hôpital, etc.) ; L'ombre portée ; Cinéma (où le personnage s'enferme dans des certitudes) ; Rencontre (et l'improbable d'une rencontre) ; Le livre manquant (qui devient sujet et non plus objet) et pour finir L'arbitraire (où un jeune écrivain rencontre un écrivain argentin qui s'est exilé pendant la dictature en Argentine, mais a-t-il vraiment souffert de la junte ?).

Max Alhau est poète et nouvelliste, il sait, dans une écriture pleine d'allant, sans effet de manche mais avec une efficacité de bon aloi, nous dire ce qu'il a à nous dire. J'ai vécu un bon moment de lecture lors de la découverte de ce recueil. Je l'ai relu et relu pour un plaisir qui s'est toujours manifesté.

Gilbert Desmée 
(25/07/13)    



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Lectures









Editions du Revif
124 pages - 16 €







Max Alhau,
né en 1936 à Paris, poète et nouvelliste, auteur d'une trentaine de livres, a reçu le Grand prix de la nouvelle de la SGDL, le prix Artaud, le prix Charles Vidrac et le prix Georges Perros...



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