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Marie SIZUN

10, villa Gagliardini


Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés, s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables.
Proust (Du côté de chez Swann)

Marie Sizun fait apparaître à nos yeux de lecteur, dans le bol de porcelaine de son très émouvant roman, l’appartement où elle a vécu de sa naissance à ses 16 ans. À la recherche des premières années de sa vie, elle nous fait entrer dans le petit appartement de Belleville, le refuge, le nid, le cocon où l’on voit le papier peint, ni gris, ni bleu, peut-être  à plumes, la petite table de la cuisine, témoin de l’amour, le meuble désuet de la bibliothèque fondamentale,  la fenêtre, une idée de balcon, certes, mais ouverte sur le mondeet surtout la frêle silhouette de sa mère qui donne à l’ensemble le persistant parfum de la nostalgie des lieux et des êtres que l’on a aimés dès notre naissance et dont on reste empreint pour la vie.

Le bonheur de cette jolie et élégante maman, qui chante, laisse à sa fille le droit de dessiner sur les murs et lui transmet l’amour des livres, est de courte durée. Si le père revient d’Allemagne où il a été fait prisonnier, il abandonnera vite le foyer devenu encore plus petit à l’arrivée du petit frère, et qui n’a, finalement, jamais correspondu aux aspirations de son milieu bourgeois.

On retrouve furtivement, à travers le personnage de la Tante Alice, la correspondance de ce roman avec les romans des origines, La gouvernante Suédoise et Les sœurs aux yeux bleus, où Marie Sizun racontait le côté suédois de sa famille et son déclassement social, toujours dans un style épuré, on pourrait dire pudique, tant chargé d’émotions contenues.

Et puis la petite fille grandit, elle découvre l’école, le quartier, la lecture, le monde et l’injustice ! Mais dans ces années d’apprentissages, et, en quelque sorte, pour la vie, le 10, villa Gagliardini reste le jardin de l’enfance, celui de l’amour maternel, celui qui, à la fois console et forge et accouche d’une écrivaine.

Et si le style de Marie Sizun relève plus de Modiano que de Proust, elle a l’art de ressusciter, comme eux, le passé. On dévore son livre qui nous renvoie à notre propre enfance.  La littérature a ainsi le pouvoir de faire renaître les morts.

Sylvie Lansade 
(31/01/24)    



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Lectures







Marie SIZUN, 10, villa Gagliardini
Arléa

(Janvier 2024)
248 pages – 20 €





Marie Sizun Photo © Louis Monier
Marie Sizun

Bio-bibliographie
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