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Laurent PETITMANGIN


Infiltré


En 1967, pourquoi un adolescent fuit-il l’Allemagne de l’Est en rejoignant la zone américaine de Berlin-Ouest ? Fuit-il le communisme pour profiter d’une plus grande liberté en Amérique ou s’infiltre-t-il en Amérique pour espionner des recherches scientifiques ? Le titre du roman répond à la question mais le lecteur va comprendre que les choses ne pas toujours aussi simples qu’on peut l’espérer…

« 1945. La Seconde Guerre mondiale s'achève. L'Allemagne a perdu. Berlin est détruite. Le monde est divisé en zones d'influence. Trois pays occidentaux — les États-Unis, le Royaume-Uni, la France —, et l'Union des Républiques socialistes soviétiques, l'URSS, aujourd'hui la Russie, se partagent le contrôle de l'Allemagne.
Bien que située en pleine zone d'occupation soviétique (bientôt appelée Allemagne de l'Est ou République démocratique allemande, RDA), Berlin a un statut spécifique, partagée elle aussi en quatre zones : les secteurs anglais, américain et français occupent la partie ouest de Berlin. Tandis que le secteur soviétique s'étend sur la partie est de la ville.
Bientôt Occidentaux et Soviétiques vont largement diverger dans leur vision du monde. Des personnes commencent à quitter la RDA et son modèle communiste, et en 1961, pour mettre fin à cette fuite, l'Est décide de marquer bien plus fermement sa frontière avec l'Ouest. C'est la construction du Mur. Le Rideau de fer. Berlin-Ouest s'en trouve ainsi entourée de toutes parts.
À Berlin-Est, certains vont tout faire pour passer le Mur et rejoindre la partie occidentale de la ville, porte d'accès, entre autres, à l'Europe occidentale et aux États-Unis. »

L’auteur situe son roman six ans après la construction du Mur et met en scène un jeune narrateur, Dietrich, qui parvient à se glisser par un étroit tunnel jusqu’à la partie américaine de Berlin-ouest.
Comme tous les enfants particulièrement brillants repérés à l’école ou au collège, Dietrich a été orienté vers une Caserne des mathématiques et des sciences où l’Allemagne de l’Est formait ses futurs chercheurs et ses futurs espions. « Dépêchez-vous d’apprendre ! La Patrie compte sur vous ! »

Dès les premières pages du roman, on l’envoie à l’Ouest. Après des interrogatoires serrés sur ses motivations (les Etats-Unis se méfient des infiltrations ennemies), il est confié à une tante déjà établie à l’Ouest. Au bout de quelque temps, il reçoit un billet d’avion pour San Francisco et une lettre de l’université de Stanford. « J'y étais accepté. Trois ans de bourse d'étude tous frais payés dans leur département de physique. Avec leurs félicitations pour mon excellent score aux tests qui augurait une collaboration de tout premier plan. »

Dietrich atterrit à San Francisco et découvre le campus universitaire où l’atmosphère à la fois studieuse et décontractée n’a rien à voir avec la rigueur militaire de la Caserne qu’il a connue. Il va se faire des amis, visiter la région, multiplier les balades en Buick…
Mais des surprises l’attendent. On ne l’a pas envoyé là pour faire du tourisme. Qu’espère-t-on de lui ? Qui va le contacter ? Quand ? Pour quelle mission ? Beaucoup de questions vont se poser alors qu’il apprécie énormément le dépaysement, les gens qu’il rencontre et la vie en Californie.

« Je devais me rendre à l'évidence : j'étais en train d'aimer cette Amérique, et il me fallait désormais lutter contre cela. Ce qui n'avait été qu'un rôle, une simple posture, était vite devenu un intérêt sincère pour ce pays. […] Presque naturellement, comme il fallait bien entrer dans ce jeu, m'adonner à ce pays si je voulais avoir une chance d'y mener ma mission, j'avais laissé le charme opérer. Désormais, sans vraiment m'en rendre compte, j'étais sous influence, plus que cela même, j'étais salement drogué à cette vie et tout devenait incroyablement confus et compliqué. […] La petite musique de l'Amérique se faisait ainsi de plus en plus insistante. Je ne savais plus quoi penser […] Cette petite musique de l'Amérique, c'était déjà celle de la trahison. »

L’auteur crée un suspense jusqu’aux dernières pages en permettant au lecteur, grâce à une écriture à la première personne, de partager au plus près les émotions, les hésitations et les réflexions de Dietrich pris dans un dilemme cornélien. Obéir ou trahir ? Et trahir qui ? Sa mère, son pays, sa nouvelle petite amie ? Rien n’est simple et pourtant il va falloir choisir…

Serge Cabrol 
(29/03/24)    



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Jeunesse







Actes Sud Jeunesse

(Mars 2024)
160 pages - 15,80 €

Version numérique
11,99 €











Laurent Petitmangin,
né en 1965, a publié son premier roman à 55 ans, Ce qu’il faut de nuit, qui a obtenu une vingtaine de prix littéraires dont le Femina des lycéens 2020 .