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Sabine PÉGLION


Cet au-delà de l’ombre


 La poète Sabine Péglion figurait déjà au catalogue de L’Ail des ours avec Dans le vent de l’archipel. Pour le grand bonheur de ses lecteurs, elle signe un autre titre, Cet au-delà de l’ombre, danscette belle maison d’édition, où depuis plusieurs années, Michel Fiévet publie des livres qui sont un ravissement, non seulement en tant qu’objets, mais aussi pour la qualité des textes.
      Ce recueil de Sabine Péglion met en dialogue ses poèmes et ses peintures.  Depuis longtemps elle convie ses lecteurs entre sa plume et son pinceau, en traçant les contours d’espaces qu’elle pénètre au miroir de deux langages différents.  Non, non n’étanchez jamais la soif / de porter l’obscur vers plus de lumière. L’exergue, extrait de Lorand Gaspar dans Patmos, reprend ce qu’annonce le titre Cet au-delà de l’ombre. Si les ténèbres se laissent deviner sur la couverture, froid de la neige et noir des arbres, ce sont les lueurs du jour qui parviennent à les dissiper, ou tout au moins à les garder à distance.
      L’écriture tout en pudeur de la poète dit notre fragilité face à l’ombre, mais aussi l’attente d’un renouveau, qu’il soit discrète touche de couleur ou minuscule graine, porteuse de ce qui est à venir. Elle invite le lecteur à oublier les discordances du passé, pour se faire seuil, tel ce versant de montagne rosi par les lueurs du matin sur la peinture de couverture. L’attention au monde et à ses silences ouvre la voie à un chant et autant d’infimes bruissements où se loge l’espérance.
     Ces poèmes sont dédiés À toi l’ami / dont l’ombre s’éclaircit / et marche devant moi. Et la poète de rejoindre une présence qu’elle cherche par-delà la perte. Célébrer la transparence du soir et le lieu où la roche seule / défie la neige et le vent, c’est démentir une absence, dont la poète nous dit qu’elle n’est finalement qu’illusion. Au creux du monde, elle nous donne à lire ce qui demeure, au-delà de l’effacement. Des liens se sont noués d’un être à un autre par le regard. Ou dirons-nous par le visage, en reprenant les mots de Levinas ?  Le visage de mon prochain est une altérité qui ouvre l’au-delà.  Comme si la grâce de ce qui s’est tissé en un point du passé inscrivait ce qui survit et éclaire au-delà de la finitude. Elle est ce qui crée la tranquille confiance de la poète lorsqu’elle affirme : Ce sera si simple tu vois / quand tu reviendras.  Et c’est bien de grâce qu’il s’agit ici, celle des liens qui unissent les êtres au présent, puis plus tard, dans cet éclair qui transcende l’extérieur des choses. Le monde se dévoile jusqu’à suivre / sur le bleu des vagues / ce tremblement de jour / dénouer les heures / se fondre dans / la jubilation de l’instant.
     Sabine Péglion sait que les ombres nous cernent et qu’elles sont à l’affût de chacun de nos moments de bonheur. Mais au cœur-même de cette fugacité et de la finitude, elle retient Ces instants fragiles / flamme    vacillante      éphémère.
      Un très beau livre, tout en profondeur, dont les mots résonnent, à la fois doux et puissants, portés loin dans l’espace de ses pages, entre poèmes et peintures de l’auteure.

Cécile Oumhani 
(19/02/24)    



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Poésie







Sabine PÉGLION, Cet au-delà de l’ombre
L'Ail des ours

(Décembre 2023)
60 pages - 8 €











Sabine Péglion

Bio-bibliographie
(non-exhaustive)
sur le site du
Printemps des Poètes