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Luce MICHEL


La bande de l’abribus

Du rififi en psychiatrie


Ce roman associe très agréablement drame et comédie, humour et roman noir. Il n’est pas évident de faire sourire les lecteurs avec le vécu des patients en milieu hospitalier, d’autant plus dans un établissement psychiatrique. Et pourtant Luce Michel parvient très bien à insuffler de la légèreté dans un univers où l’angoisse et la mort viennent peu à peu envahir l’espace.

L’intrigue se déroule dans une clinique psychiatrique du Sud de la France. La situation financière n’est pas grandiose et le directeur commence à imposer des restrictions budgétaires. Aurélie Bescotte, médecin psychiatre, est bien consciente que huit chambres vides sur trente-deux dans son service, ça ne facilite pas la rentabilité. Peut-être faudrait-il allonger la durée des séjours pour réduire le turn-over entre entrants et sortants. Reste à trouver par quels moyens…

S’il ne s’agissait que de suivre les manigances du Dr Bescotte pour remplir les lits de son service ce serait déjà assez inquiétant que distrayant, mais en parallèle la clinique doit faire face à la découverte de cadavres de sangliers assassinés dans le parc. Ou plus précisément de laies enceintes empoisonnées. Et ça, ce n’est pas l’œuvre du Dr Bescotte. Mais alors qui et pourquoi ? Plusieurs pistes sont envisagées par le personnel et par les patients. Et une question taraude tout le monde : l’assassin passera-t-il aux humains après les sangliers ?

Le roman est construit en une suite de courts chapitres où l’on passe sans cesse d’un personnage à l’autre, et plus particulièrement six ou sept dont on partage les soucis, les souvenirs, les rêves, les espoirs, les moments de bonheur et les déceptions.

Côté personnel, c’est d’abord Aurélie Bescotte, la psychiatre. qui vit seule avec son chat et s’inquiète pour l’avenir de la clinique. Elle rencontre tous les patients et gère leurs traitements. Un poste stratégique.
Mais on suit aussi, Céline, une aide-soignante, qui a renoncé à ses rêves d’adolescente. « Elle qui se voyait franchir des montagnes, traverser des océans, couper les cheveux des moutons en Australie, presser les oranges en Floride comme on vendangeait au siècle dernier, tuer la baleine au Groenland à coups de harpon en os, elle se retrouve à nettoyer les chiottes de gens plus fatigués qu’elle. Alors qu’ils ont peut-être été plus gâtés par la vie. »
Et puis, il y a le directeur, les infirmières, le jardinier…

Côté patients, le roman commence avec l’arrivée d’Aurore, une documentaliste qui, « depuis trois mois, lutte contre les crises d’angoisse, les insomnies, la perte d’appétit, les cauchemars. Et s’accroche, comme elle le peut. Jusqu’au jour où elle n’a tout simplement plus réussi à se lever. Dépression, burn-out, qu’importe le terme choisi, le résultat est le même : la machine refuse d’avancer. Ne veut plus jouer. Et tout ça à cause d’une dernière goutte d’eau dans un vase prêt à déborder… »
Une fois, la visite de l’établissement terminée, elle est accueillie par les trois patients qui ont l’habitude de squatter l’un des abribus qui ont été installés dans le parc pour s’asseoir, bavarder ou fumer une cigarette à l’extérieur du bâtiment.
« – Bonjour ! Viens, il reste une place sur le banc. […] Éduc nat ? s’enquiert Viviane pleine d’espoir.
Aurore semble hésiter.
– On te demande ça parce qu’on a rebaptisé notre couloir l’aile Jules Ferry. On y est majoritairement prof ou employé du mammouth, s’empresse d’expliquer la vétérante.
Aurore se détend.
– Oui, Éduc nat. Documentaliste, pour être précise.
– Agent d’entretien, se présente Yves.
– Prof de compta lance Viviane.
– Prof d’anglais, renchérit Valérie.
Le silence tombe. Ils pourraient presque se croire en salle des profs à la pause médiane. Presque. »

Peu à peu, nous découvrons chacune et chacun, ce qui les a amenés ici, ce qui les attend dehors. Des intrigues se nouent, pour le meilleur ou pour le pire. Et l’angoisse monte au fil des assassinats de sangliers et des manœuvres de la psychiatre. Humour et suspense, un cocktail à consommer sans modération. Ce roman est annoncé comme le premier volume d’une série dont le deuxième paraîtra sous le titre Sale temps pour les faisans. On changera de gibier. À suivre…

Serge Cabrol 
(29/02/24)    



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Noir & polar










Luce MICHEL, La bande de l’abribus
Black Lab
(Janvier 2024)
352 pages - 15,90 €