Arnaldur INDRIDASON

Les parias


Sur fond de météo extrême – À nouveau, la neige tombait en abondance, le blizzard frappait de plein fouet les bâtiments et les plongeait dans une somnolence hivernale. La neige s’amoncelait en congères, collait aux clôtures et s’accumulait au pied des bâtiments serrés les uns contre les autres, tapissés d’une épaisse couche de givre déposée par le vent d’est. – Konrad, ex policier à la retraite, repart à la recherche de l’assassin de son père.

Ce père violent, violeur, malhonnête, magouilleur, maître chanteur au surnom de Seppi, un nom de chien pour les Islandais, ce père qu’il hait et dont pourtant il a hérité certains côtés border line, a eu cependant la fin que l’on pouvait prédire, il a été assassiné. Mais le crime n’a pas été résolu, comme celui de Gardar, un jeune homme, à peu près à la même époque, les années cinquante, dans les quartiers déshérités de Reykjavik. Konrad n’aime pas les affaires non résolues et l’on vient justement de retrouver l’arme qui a servi à tuer ce jeune homme et ce qui trouble Konrad et va l’emporter vers de sinistres histoires de pédophilie, c’est que cette arme, un jour, alors qu’il était encore enfant, son père la lui a montrée, un Luger allemand de la dernière guerre.

Konrad a été un flic ripoux, il ne le nie pas, mais en se battant seul contre les fantômes malfaisants du passé, il entreprend comme un chemin de rédemption. On s’attache à ce vieil homme endurci par le malheur où malgré tout s’entête à survivre l’enfant aimant qu’il a été.

Dans ce paysage figé de froid, la nuit et la neige servent d’écran à la noirceur de ce que Konrad va mettre à jour : le passé criminel de notables, l’enfance martyrisée d’orphelins. Personne ne trouvait gênant que des hommes viennent chercher des gamins vulnérables pour leur faire du mal. Ou même que les plus grands fassent subir des abus aux plus jeunes. Il n’y avait aucune surveillance. Personne n’était jamais inquiété. C’était comme ça. Et aussi le calvaire de jeunes homosexuels considérés encore, à cette époque, comme des sous-hommes. Ce qu’on pouvait avoir honte… c’était de la folie. Vous ne savez pas ce que c’était d’éprouver ces sentiments bouillonnants et de devoir les taire comme s’ils relevaient d’un crime affreux.

On frissonne à plus d’un titre à la lecture de ce polar en noir et blanc où les parias d’aujourd’hui meurent de froid dehors, la nuit.

Sylvie Lansade 
(19/02/24)    



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Noir & polar







Métailié

(Février 2024)
320 pages - 22,50 €

Traduit de l'islandais
par Eric Boury




Arnaldur Indridason est né à Reikjavick en 1961.

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Wikipédia


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