Ce premier volume de la trilogie Le grand livre des animaux nous emmène dans un petit village pour un polar rural plein d’humour et d’amour où se rencontrent deux personnages hauts en couleur.

Connor Digby est un citoyen britannique qui parle un français approximatif (à la manière de Jane Birkin). Auteur de livres pour la jeunesse, il a décidé d’écrire un roman en français. Il arrondit ses fins de mois avec l’importation et la vente de voitures de luxe étrangères, activité qui va lui attirer quelques ennuis.

Marceline est une jeune femme rousse, sensuelle et décomplexée, qui débarque dès les premières pages dans la vie de l’écrivain solitaire. Sa voiture ayant subi quelques dégâts, elle sonne à la porte de Connor qu’on lui a indiqué comme étant garagiste. Il fait tout pour l’évincer mais elle n’est pas du genre à se satisfaire d’un refus. Elle revient quelques minutes plus tard avec deux bouteilles de vin, un saucisson et « une sacrée envie de baiser ».
Connor est le premier étonné de ce qui lui arrive, complètement dépassé par la situation et le sans-gêne de cette fougueuse inconnue. Ce n’est qu’en fin d’après-midi qu’ils émergent d’une sieste agitée.
« – Il est quelle heure ? J'ai faim. C'est quoi qui pue comme ça ?
Elle est à peine réveillée que déjà elle parle. Elle le regarde en faisant une moue qui n'est plus de son âge.
– J'aime pas après la baise. T'aurais pas dû me réveiller.
– J'ai pas réveillé toi.
– Si. Tu matais mes seins en te demandant ce qui leur était arrivé. J'ai faim. Je peux rester cette nuit ?
– Ça fait beaucoup. Des bagages ?
– Non, j'ai tout laissé. »

Comment et pourquoi chacun des deux a atterri dans ce petit village, on l’apprend peu à peu au fil des chapitres. De lourds secrets les ont forcés à fuir jusqu’à Saint-Piéjac, au milieu des forêts.

La forêt aussi joue un rôle important parce que c’est le terrain de jeu des chasseurs. Et notamment de Louis Férignot, un alcoolique qui a la gâchette facile, obsédé par un chevreuil de cinq ans et soixante-quinze kilos, le plus gros qu’on ait jamais vu dans la région, et qu’ils ont surnommé "Il Duce".
Férignot est un personnage violent et truculent et il n’est pas le seul dans le roman. Son fils et ses copains ne sont pas des anges non plus quand ils circulent à fond la caisse avec leurs 4x4 rouges tonitruants.
Ils sont plusieurs, qui votent à l’extrême-droite et détestent les étrangers, les réfugiés ukrainiens, bien sûr, qu’ils accusent de tous les maux, mais aussi cet Anglais et son extravagante compagne qui viennent troubler la quiétude du village.

Malheureusement, en plus de quelques villageois obtus et agressifs, les deux tourtereaux (qui ne sont pas des perdreaux de l’année) doivent affronter de vrais méchants venus de leurs passés respectifs capables de payer du personnel pour s’occuper des basses œuvres.
Connor et Marceline ne sont pas facilement impressionnables et l’escalade de la violence ne les effraie pas. Ils savent se défendre et sauront répondre à toutes les attaques aussi sournoises soient-elles.

Sébastien Gendron sait bien créer un univers avec son décor, ses coutumes, ses personnages très contrastés et son couple de héros pleins d’énergie et de mystère auxquels on s’attache et qu’on s’efforce de suivre malgré leur rythme effréné et leurs tempéraments enflammés. Un roman à la fois drôle et émouvant, une réussite de plus dans un parcours déjà bien fourni. Premier volume du Grand livre des animaux, on attend déjà le deuxième…

Serge Cabrol 
(07/03/24)