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Amina DAMERDJI

Bientôt les vivants



Dans ce roman, Amina Damerdji met en scène une famille déchirée par la guerre civile algérienne. Cette guerre et son lot de violences n’a pas seulement coÜté la vie à des hommes, des femmes et des enfants par dizaines de milliers, elle a aussi détruit les liens entre frères, elle a volé leur jeunesse à toute une génération. C’est par le prisme d’une famille que l’autrice a choisi de se placer pour raconter cette guerre, ses effets sur la société, sur les esprits, ses ravages à l’échelle individuelle.

Selma, l’héroïne du roman, est passionnée d’équitation – c’est seulement quand elle vole sur le dos de son étalon que son corps ne lui pèse plus– mais elle est surtout douée d’empathie à l’égard des chevaux. Elle parvient par la douceur et la patience à dresser un étalon rebelle, volontiers méchant avec ceux qui le martyrisent. Faut-il voir là une métaphore de l’art de la paix qui semble si étranger à son pays ? L’autrice prête aussi à Selma le point de vue animaliste d’aujourd’hui qui refuse la violence que s’autorise l’homme envers les bêtes. On peut aussi imaginer que l’étalon fougueux et rebelle est à l’image du peuple algérien, indomptable. En dressant Sheïtane, Selma le sauve de l’équarrisseur.

Selma s’entend mieux avec son oncle Hicham qu’avec ses parents. Hicham, le frère cadet de la famille, vient de finir ses études d’avocat. Il est adoré par sa mère, Mima qui le protège comme le petit dernier. Il écoute de la musique raï très populaire en Algérie. Mais Hicham est revenu différent de ses deux années de service militaire dans le brasier du désert. « Il a rencontré Dieu ». Nous sommes en 1988. Il sera enrôlé par le Front Islamique du Salut et arrêté une première fois, torturé par la DGSN,( la direction générale de la sûreté nationale). Pour obtenir sa libération, son frère s’adresse au ministre mais il doit accepter en échange de participer à un trafic de médicaments. On voit à quel point, répression et corruption pèsent lourd.

En 1990, lorsque Ali Belhadj, leader du FIS sera arrêté, Hicham acceptera de le défendre. Ce qui lui vaudra d’être arrêté à nouveau.
Certains attentats attribués aux islamistes sont perpétrés par la police ou par l’armée. Hicham le révèle à sa mère. Comment s’y retrouver, qui croire ? Cette confusion poussera la cousine de Selma qui est journaliste aux limites de la folie.
Au sein du FIS, plusieurs stratégies s’affrontent ; ceux qui mènent le djihad par le vote et ceux qui choisissent la violence. Et du côté du pouvoir, certains préconisent de boucler les islamistes dans des camps en plein désert, d’autres restent attachés à la démocratie. Un membre de la Ligue algérienne des droits de l’homme rétorque : « C’étaient les Français qui parquaient nos parents dans des camps. »

Mouloud Hamrouche, limogé depuis peu, avait « choisi la voie démocratique, la voie des libertés, la voie de la sagesse. »
Parmi les nouveaux partis politiques enfin autorisés, le Front des Forces Socialistes, (FFS) a séduit Zyneb, la mère de Selma, qui espère pouvoir repousser le FLN, « parti unique et poussiéreux, corrompu, militaire. » Mais le FIS a remporté les élections.

Brahim le père de Selma est médecin. À l’hôpital, il opère des jeunes garçons sur lesquels l’État a tiré avec des armes de guerre. Ce sont des milliers de manifestants qui protestent contre la nouvelle carte électorale destinée à modifier l’issue des élections et qui sont sauvagement réprimés.

Le roman débute et se termine par une scène de brutalité extrême, dans le village de Sidi Youcef où les hommes, les femmes et les enfants sont tués à la hache, à la machette ou au sabre par des islamistes déguisés en soldat, des égorgeurs.

L’autrice mêle de façon subtile cet épisode de l’histoire qui l’a touchée de près à la vie romanesque d’une famille. On y apprend beaucoup tout en se passionnant pour l’intrigue.
Dans son précédent roman, Laissez-moi vous rejoindre, c’est par la biographie d’une combattante de la révolution cubaine qu’elle donne de l’humanité à l’histoire. Une marque de fabrique, en quelque sorte ?

Nadine Dutier 
(07/03/24)    



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Lectures








Amina DAMERDJI, Bientôt les vivants
Gallimard

(Janvier 2024)
288 pages - 21,50 €

Version numérique
15,99 €












Amina Damerdji
Bientôt les vivants
est son deuxième roman.







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Laissez-moi
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