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Colette KLEIN


Après la fin du monde, nuages


Ceux que l’on perd au fil des années, membres de la constellation familiale ou proches amis, tous ces noms, accompagnés de la date à laquelle ils sont partis, esquissent la trajectoire d’une vie, en la ponctuant d’autant de déchirements et de regrets. Les poèmes de Colette Klein pourraient faire de ce livre un mémorial.  Pourtant ses évocations brossent par petites touches des silhouettes, des rencontres manquées, des moments partagés, comme ceux que vécurent son père et son ami, L’un tapissier, l’autre ébéniste. Avec le nom d’une ville, Rome, où ils étaient partis À la découverte d’une amitié tressée dans le bois aux essences précieuses, quelques mots dessinent le contour de deux vies désormais hors du temps, qui touchent le lecteur et trouvent en lui une sorte d’ancrage par la grâce de l’écriture.
      Chaque deuil évoqué est suivi d’un poème qui retentit comme un cri, cri qui déracine, cri d’arbre que l’on coupe, cri fracassé contre les parois de l’univers. Le cri du corps / résonne / jusqu'aux cellules / de la plus lointaine des étoiles. Il est celui de l’être humain, face à la perte. Le cri se transmet par héritage, dit la poète, soulignant ainsi ce qu’il a d’inéluctable, dans la solitude de l’univers où nous sommes plongés dès la naissance. La perte est une expérience à la fois incommunicable et universelle.
       Tel un leitmotiv, où l’individu est sans cesse ramené à l’intérieur d’une vaste communauté d’êtres, la clameur des guerres retentit, porteuse d’un inévitable trauma, partie intégrante, directement ou indirectement, de notre passage sur cette terre. Elles sont autant de vagues revenues à l’assaut nous désoler et nous dévaster. Les charniers restent derrière les rideaux / invisibles, hors champ. / Les miroirs déserts ne reflètent plus que /notre impuissance.
Enfin, l’espace d’un souffle, l’horizon s’allège avec la lumière, une trouée de bleu, l’or du ciel ou bien l’immensité des prairies de l’inconscient.
      Ces quatre temps d’une composition où alternent l’évocation d’un être cher, le deuil, l’évocation d’une humanité déchirée par ses pulsions guerrières, opprimée par les dictatures, puis l’éclaircie, créent la respiration propre à ce livre. Ils deviennent ce par quoi il avance d’une station à l’autre sur un chemin dont les questions restent sans réponse. L’humain marche sous les nuages et vers les nuages. Leur opacité n’est pas une simple tonalité dans la partition grave que joue ici la poète. Leur indécision et leur mouvement constants sont porteurs d’interrogations. Ils appartiennent à la symphonie / inscrite dans mon corps depuis ma naissance / pour que les nuages nous emportent / aux confins de l’Histoire.
Le recueil de Colette Klein s’adresse à tous à travers les échos d’une condition humaine qui est la nôtre, par la grâce des mots qu’elle partage.

Cécile Oumhani 
(17/01/24)    



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Poésie







Colette KLEIN, Après la fin du monde, nuages
Éditions Henry

Les écrits du Nord
(Novembre 2023)
80 pages - 12 €


Préface
d'Antoine Spire






Colette Klein

Bio-bibliographie
sur son site :
www.coletteklein.fr