La couverture, très belle, parle d’elle-même. Trois visages au regard noirci, au regard brisé.
Les premiers jours d’avril mille neuf cent quarante-quatre, les rires de quarante-quatre enfants résonnent dans la grande maison qui les accueille à Izieu dans l’Ain. Le plus jeune n’a alors que quatre ans. Tous aspirent à une vie normale. Ils veulent jouer, travailler à l’école, dessiner, danser. Ils aiment la campagne, les animaux, le piano. Ils pensent à leurs parents. La maison, accueillante leur offre un espace de vie rassurant en cette période noire de guerre sur fond d’antisémitisme.
Le 6 avril 1944, sur ordre de Klaus Barbie, trois hommes de la Gestapo entrent dans la Maison d’Izieu et arrêtent brutalement tous les enfants ainsi que les sept adultes qui leur offraient asile et bienveillance.
Les quarante-quatre enfants, les sept adultes, tous sont entassés dans deux camions pour être conduits à Drancy puis, plus tard, à Auschwitz pour certains d’entre eux.
Comment peuvent-ils comprendre ce qui leur arrive ? C’est impossible.
Jeudi 13 avril 1944
Dans l’aube incertaine
Un officier crie des noms
Trente-quatre enfants d’Izieu sont désignés
Pourquoi trente-quatre enfants ?
Pourquoi quatre adultes ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
Des enfants qui ne demandaient qu’à vivre avec leurs aspirations, leurs envies, leurs rêves, vivre tout simplement. Des enfants à la vie sauvagement confisquée par la folie des hommes, du nazisme et de la guerre, pour l’unique raison d’être nés juifs.
Le texte, très beau et poétique, est d’une grande richesse, remarquable. Avec justesse et tact, il rend hommage à ces enfants sans omettre, et c’est une force, les moments de bonheur vécus ensemble dans la Maison d’Izieu, les projets, les rires qu’ils partagent lorsqu’ils y trouvent.
Le texte évoque également le courage des adultes qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger quelques instants encore les petites vies de ce qui les attend.
De sublimes illustrations, puissantes, réalisées au fusain et au crayon noir accompagnent le texte. Au fil des pages, les regards se brouillent, se durcissent, se noircissent et se voilent.
En fin d’ouvrage se trouvent quelques notes sur l’histoire de la Maison d’Izieu, les noms des quarante-quatre enfants arrêtés, déportés et assassinés ainsi que ceux des adultes qui les accompagnaient, adultes dont une seule survivra.
Voici un album important, magnifiquement réalisé, qui évoque la Shoah, la guerre et la barbarie mais aussi l’amitié, la fraternité ainsi que l’engagement qu’était celui des fondateurs de la Maison d’Izieu.
Un livre aussi esthétique qu’essentiel.
Cécile Cohort
(29/05/24)