L’été est une période d’insouciance.
« Alors que sa chance semble avoir filé, Nicolas se lève et attrape la fille par le bras, au moment où ses parents franchissent la porte du bar afin de rejoindre la place des Tilleuls saturés de soleil. Ce qui m’étonne, c’est qu’elle semble à peine étonnée. Je jurerais qu’elle s’attendait à ce mouvement, à cette tentative. Nicolas lui dit tranquillement : "On va au bal du 14 juillet à Saint- Martin ce soir, tu y seras ?" (Il a inventé ce mensonge dans l’instant et ça ne manque pas de me dérouter : si on m’avait interrogé j’aurais juré que ni l’invention ni le mensonge n’étaient dans sa nature.) Elle le dévisage puis nous contemple, penauds, silencieux, autour de notre table. Elle rétorque : "On s’y retrouve à dix heures ?" Nicolas approuve, sans marquer la monde émotion : "Dix heures, c’est bien." »

L’adolescence est une période d’insouciance, mais la vie parfois apporte des éléments qui bousculent. Un soir d’été se passe sur l’île de Ré en 1985. Des adolescents s’y retrouvent tous les ans et certains y arrivent pour la première fois. Cet été 1985 va être marqué par un événement particulier. Cinq garçons et une fille forment une bande sympathique lorsque l’un d’entre eux disparaît un soir.

Voilà le récit de Philippe Besson, qui montre bien le rapport à la vie, à l’inactivité des vacances, à cette toute-puissance des adolescents et des jeunes adultes, à l’invincibilité qu’ils ressentent, au plaisir d’être avec des copains, de boire des bières, de sortir le soir pour danser, de découvrir les premiers émois, de voir comment chacun ressent tout cela. 
« "Par contre, toi, tu ne t’es pas rendu compte que Marc s’intéresse à toi." Je ne peux m’empêcher de me récrier : "N’importe quoi !" Comme il sourit, je l’interroge du regard. Il persiste dans son silence souriant. Je chuchote (le réflexe du secret, de la dissimulation) : "T’es sérieux ? J’ai rien vu du tout." Il pousse un caillou du bout de sa basket. »

« Je me suis dit enfin : il faut parfois que quelqu’un disparaisse pour qu’on apprenne la valeur de la vie, pour comprendre à quel point elle est fragile et précieuse la vie. En partant, Nicolas nous avait peut-être donné une leçon. Une leçon cruelle et magnifique. »

Le plaisir d’être ensemble pendant les vacances est une période un peu particulière avec des rencontres qui seront sans lendemain. Cela permet aussi de croiser des personnes qui vivent des existences différentes avec d’autres ambitions. Les positions sociales se ressentent, ce qui pousse à des interrogations sur le sens de la vie. Est-il possible de changer de vie, est-il possible de sortir des projets prévus par ses parents ? Quand son père est pêcheur ou boucher est-ce envisageable de casser la ligne qui a été fixée pour orienter sa vie autrement ?

Au cœur de l’insouciance de l’été et des vacances, voici un roman qui pose des questions existentielles sous la plume toujours aussi fluide de Philippe Besson.

Brigitte Aubonnet 
(29/03/24)