Qui n’a pas ressenti la poignante émotion de ces images de films où furent saisis des visages, des silhouettes d’hommes, de femmes et d’enfants aux prises avec l’Histoire, leur histoire ? On ne connaît ni leur nom ni ce qu’ils sont devenus au-delà du champ de la caméra qui les a filmés un jour au hasard des chemins d’une tragédie. Reste un geste, un regard pour témoigner de ceux qui ont résisté, se sont battus.

Des insurgés algériens, des rebelles déportés en Corse dans les années 1870… Les collines y sont âpres, rugueuses à leurs mains qui défrichent, peinent. Une villageoise vit seule à l’autre bout du village, à l’écart du camp où se trouvent les prisonniers. Elle est la seule à ne pas se détourner d’eux. Louisa naît de sa rencontre avec un de ces hommes, originaire de Tiaret. Louisa, Louise…Un nom qui ouvre un chemin, un nom tissé déjà de révolte et de résistance. Le souvenir de la Commune n’est pas loin.

La naissance de cette enfant, entre deux lieux, entre deux cultures est en elle-même la promesse d’une destinée frayée à main nue, par-delà les normes, les barbelés ou les citadelles. Louisa ne rêve qu’espaces toujours plus beaux pour sa mère, pour son père. Elle ne laissera personne, ni son oncle ni aucune société lui fermer les horizons que son père lui a promis.

Leïla Sebbar donne ici un texte dont l’écho est tout à la fois rocailleux et émouvant, comme les traits d’une encre d’où émergent un paysage et ceux qui l’habitent envers et contre tout. Elle a déjà publié l’an dernier Le vagabond dans cette même collection, qui offre de beaux livrets contenant chacun une nouvelle.

Cécile Oumhani 
(17/04/08)