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Emmanuel RUBEN

Halte à Yalta



La quarantaine, boitant et désabusé, passionné par le dessin, le narrateur embarque ses crayons, ses désillusions, sa vie chaotique et ses échecs sentimentaux dans le Transsibérien qui doit le mener jusqu’à Yalta.
Dans ce train, il fait la rencontre d’un personnage fascinant, haut en couleurs, dont le nom à lui seul évoque des légendes vivantes : le Tatar. « Qui sait ce que serait devenu ce voyage sans lui ? Le jaune et le bleu, l’or et l’azur, le soufre et le lilas que je cherchais partout sur terre, c’était lui. Non, retoilé n’est pas assez fort, ce gosse avait un don d’artificier : il avait rallumé la mèche, il m’avait remis le feu aux poudres. Il y a des êtres, comme ça, tout s’embrase dans leur sillage. »

Rencontre bouleversante, qui va changer le cours de la vie du narrateur en lui laissant entrevoir une part inexplorée et inavouée de lui-même ; de cette rencontre improbable, naît une amitié surprenante, nourrie de la richesse de ces personnalités opposées. Le lecteur suivra alors, au fil des rails, l’itinéraire et les déambulations de ces deux compères. Rencontres, échanges, confidences, disputes …

Les personnages feront halte à Yalta, autrefois le théâtre d’épisodes décisifs de l’histoire et qui sera, quelques dizaines d’années plus tard, la scène ultime des pérégrinations de ce duo. La course s’arrêtera là, mais cette rencontre sera une révélation : « D’ouest en est et du nord au sud, ce n’était pas seulement Reval, Katerina, le froid, le nord, la Baltique, l’Europe que je tentais de fuir, mais aussi mes vieilles cassettes cristallines, leurs bandes magnétiques rayées, mon confort, ma mélancolie ; toute cette Forêt-Noire de l’âme, à la longue m’asphyxiait ; sauter dans ce train pour la mer Noire, y rencontrer le Tatar, je sais aujourd’hui que c’était remonter vers une autre lumière, une lumière qu’avait su capter – lumière de Yalta – Tchekhov ; une lumière qu’avaient perdue – lumière d’Odessa – Kandinsky, Richter, Babel et tant d’autres. »

Un roman foisonnant, riche de croquis, de souvenirs qui se superposent, d’aventures... Le lecteur ne restera pas insensible à l’atmosphère étrange qui règne à bord de ce train et dans cette Russie postsoviétique ; d’autant que planent sur ce récit les ombres des grands auteurs russes (Gogol, Tchékhov…) des siècles derniers. La maîtrise de l’écriture, le style qui ne déplairait pas à un peintre, l’ambiance poétique et orientale font de ce premier roman un livre original, agréable et passionnant.

Sylvie Legendre-Torcolacci 
(21/10/10)   



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Editions JBZ & Cie

240 pages - 19 €