Claude-Youenn ROUSSEL

Meurtres au jardin de la Marine



Gratien, aumônier de la Marine royale, vit dans ce roman sa troisième aventure. Il est toujours au service de Desbleds, dit La Mouette, chef des services secrets de Louis XVI. Gratien doit à La Mouette de l’avoir « extrait d’un couvent perdu aux flancs des Monts d’Arrée en Bretagne du nord, où l’avaient reclus ses mœurs particulières susceptibles à l’époque de l’amener au bûcher malgré ses origines nobles, évitant ainsi la Bastille et le scandale public ». C’était délicat d’aimer les garçons mais Gratien reste fidèle à ses goûts et à Julio, le joli jeune homme qui le seconde dans ses enquêtes. La Mouette le sait mais n’en prend pas ombrage, on ne change pas une équipe qui gagne.

L’intrigue qui fait l’objet de ce troisième volume se déroule en 1788, au moment où une délégation indienne vient demander au roi de France des armes et des fonds pour poursuivre la lutte qui oppose l’Inde à l’Angleterre. Les ambassadeurs doivent débarquer à Toulon avant de se rendre à Versailles et La Mouette envoie Gratien surveiller l’arrivée des diplomates avec une deuxième consigne plutôt étrange : visiter les jardins des hôpitaux de la Marine et s’informer sur la botanique et la médecine par les plantes.

Au fil d’un voyage un peu long, pendant lequel le lecteur doit prendre son mal en patience, Gratien, toujours accompagné de Julio, visite les jardins de Toulon et de Rochefort avant de rejoindre Brest.

Là, on entre enfin dans le vif du sujet et les événements se précipitent. Six crimes sont perpétrés en une semaine dans le jardin de l’hôpital de la Marine. Six personnes inconnues assassinées de façon étrange, avec une mise en scène faisant penser à des crimes rituels. Qui peut bien se trouver à l’origine de cette série noire aux apparences cabalistiques ?

Menant une enquête serrée, Gratien découvre qu’un trafic de médicaments permet à diverses personnes d’arrondir gaillardement leur escarcelle. D’importantes quantités de produits très coûteux entrent dans la fabrication des remèdes qui doivent équiper tous les navires de la flotte royale pour que les chirurgiens de bord puissent soigner les marins et enrayer les épidémies.

On apprend au passage la recette de la panacée universelle. On fabriquait de grandes quantités de chaque médicament avec les produits de base nécessaires. « Ce qui n'était pas employé n'était pas conservé afin d'éviter une évidente altération, mais placé dans un immense coffre disposé sous la paillasse. Les commandes réalisées, son contenu mélangé avec un excipient était vidé dans une chaudière spéciale, puis travaillé doucement et devenait en s'amalgamant la célèbre panacée universelle, préparation presque magique censée guérir tous les maux, avec des effets différents suivant un usage interne ou externe. D'un coût moindre que des produits spécifiques, certains médecins l'utilisaient volontiers. […] Les campagnes de fabrication étaient fréquentes, c'étaient donc des fortunes qui s'engloutissaient dans la fameuse chaudière à panacée universelle. » Elle pouvait tout soigner puisqu’elle contenait les ingrédients de tous les médicaments. Evidemment, il y a avait sans doute quelques contre-indications et quelques effets secondaires…

Cette masse de produits coûteux passée à la chaudière avait de quoi attiser les convoitises. En leur substituant des ingrédients moins onéreux, on pouvait réaliser un confortable bénéfice… Mais quel peut être le lien entre cette magouille et les six mystérieux assassinats ?

La Mouette rejoint Gratien à Brest pour en avoir le cœur net et c’est peut-être justement l’objectif du Sabre, une organisation criminelle de piraterie internationale. Loin de Paris, dans le dédale de la cité, les méandres du port, les multiples bâtiments de l’arsenal, le chef des services secrets devient une proie plus accessible. C’était compter sans la méfiance de La Mouette et la perspicacité de l’aumônier…

Comme chez Agatha Christie, la fin du roman éclaire l’ensemble et une réunion au sommet permet de comprendre tous les détails de ces mystérieuses affaires et les responsabilités de chaque accusé.

Un intéressant voyage dans le temps pour passer quelques heures en Bretagne à la veille de la Révolution. Claude-Youenn Roussel est un passionné d’histoire et les lecteurs qui voudraient en savoir plus sur les jardins de la Marine au XVIIIe siècle peuvent se procurer un autre livre du même auteur : Jardins botaniques de la Marine en France. Mémoires du chef-jardinier de Brest Antoine Laurent (1744-1820).

Serge Cabrol 
(19/04/07)    



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Noir & polar







Editions du Palémon
206 pages, 8 €



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N°1
L'aumônier du Ponant






N°2
Le neuvième chapitre