Michel RAGON, La ferme d'en haut



En passant le cap des quatre-vingts ans, Gustave se sent bien vieux. « Bon pied, bon œil ? Non, le pied trébuche, le genou plie mal et l’œil voit à travers une eau trouble. » Veuf depuis longtemps, il vit dans la ferme haute avec son fils aîné, Alfred, et sa bru, Emilie.
La vie suit paisiblement son cours entre un travail harassant et la satisfaction du devoir accompli, entre l’angoisse du gel ou de la grêle et la fierté d’une abondante moisson.

Jusqu’au jour où une lettre leur annonce le retour du fils cadet.
Ernest s’est engagé dans l’armée très tôt, il a fait sa carrière aux colonies et revient au pays profiter de sa pension de sergent retraité.
Mais il ne rentre pas seul. Il est accompagné par Aïcha, son épouse africaine. « Aïcha, placide, s’était assise sur un billot de bois. Les fermiers la regardaient, effarés par ses formes volumineuses. Eux, si secs, si brûlés par l’air et le soleil, n’en revenaient pas de cet étalage de graisse. Non seulement elle était noire, ce qui était déjà invraisemblable, mais en plus elle était énorme. »
Dans une campagne résonnant encore des coups de marteau du maréchal-ferrant, où le foin est coupé à la faux et la herse tirée par des vaches, l’arrivée d’Aïcha semble aussi incongrue qu’un débarquement d’extra-terrestres.
Et puis, « c’est que, dit Gustave, la maison est bien petite. Tu ne t’en souviens plus. Les bêtes et nous, on s’est casés comme on a pu entre ces murs. »

Le roman de Michel Ragon nous raconte cette étrange cohabitation entre une femme blanche et une femme noire, un militaire hanté par ses souvenirs d'Afrique, un paysan qui travaille du matin au soir et Gustave qui se découvre vieux, si vieux tout d’un coup…

C’est à la fois un hymne à la nature et un troublant huis-clos familial.
Le texte est fort, l’écriture est sûre, Michel Ragon maîtrise son sujet et nous offre un superbe roman.

Serge Cabrol 



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Editions Albin Michel
186 pages
14,90 €




Pour en savoir plus sur l'auteur, vous pouvez lire sur notre site
un entretien avec
Michel Ragon
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