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Michel QUINT, L'espoir d'aimer en chemin


Effroyables jardins, incontournable succès littéraire aux multiples adaptations théâtrales ou cinématographique, évoquait la Seconde guerre mondiale et la Résistance. Avec L’espoir d’aimer en chemin, c’est le volet du début des années 60, en France, avec les dissensions qui ont opposé les partisans de l'Algérie française à ceux de l'indépendance, que l'on retrouve en toile de fond. L'occasion pour le lecteur de se retrouver immergé dans cette France de l'époque, divisée, agitée de questions, où sous l'apparence de normalité sourdait l'insécurité et la défiance. Michel Quint aime décidément inscrire dans l’Histoire les petites gens face aux grands événements et il le fait bien.

Autres points communs entre les deux romans, le Nord, cher à l'auteur, qui sert de décor et le choix d'un personnage "amuseur d'enfants" comme pivot du récit. Le père-clown se livrait sur scène au devoir de mémoire, le fils-marionnettiste ici use de son art pour adoucir le quotidien des enfants à l'hôpital et les éveiller à eux-mêmes.

Un adolescent plongé dans le coma renversera involontairement les rôles en provoquant chez le thérapeute une intense aventure intérieure. Pour la première fois, René se livrera tout entier au corps immobile, abandonné entre ses draps blancs. Par le biais de ses marionnettes, masculin (Momo) / féminin (Suzy), ce sont ses douloureux souvenirs d'enfances qui retrouveront vie. Il racontera ainsi ce père, homme ambigu en affaires et en sentiments, les engagements politiques de celui-ci aux cotés des partisans de l'Algérie française ; sa mère, la grande absente mystérieusement disparue ; son amour fou pour Halva, la petite Algérienne.

Il ne saura jamais si le jeune garçon l'entend ou pas mais finalement peu importe. A chaque séance il reprendra le fil de sa mémoire là où il l'a interrompu la veille. Très vite, le lecteur pressent qu'il ira jusqu'au bout de lui-même tant cette introspection lui est devenue nécessaire pour se (re)trouver dans son présent.

L'espoir d'aimer en chemin, beau titre tiré d'un poème d'Apollinaire, évoque de façon sensible et pudique la fragilité et l'ambiguïté des hommes face à leur vie ou à l'Histoire, les petites lâchetés qui pèsent lourd sur l'existence, la difficulté de grandir, d'être adulte et d'aimer.

Michel Quint, auteur de polars à ses débuts, affirme ici tout son talent. Cette histoire intime, imbriquée dans l'Histoire commune, nous est livrée dans un scénario impeccablement ficelé avec quelques rebondissements inattendus pour maintenir jusqu'au bout l'intérêt du lecteur.

Les personnages ont du corps et au final, cela donne 144 pages d'émotions, de sourires et tendresse.

Dominique Baillon-Lalande 



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Lectures






Editions Joëlle Losfeld
144 pages - 13,50 €

Professeur de lettres et de théâtre, Michel Quint a écrit plus d’une vingtaine d’ouvrages et obtenu le Grand Prix de la littérature policière en 1989.
Il connaît aujourd’hui un succès extraordinaire avec Effroyables jardins, traduit dans dix-huit pays, adapté plusieurs fois au théâtre,
et au cinéma par
Jean Becker.