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François PLASSAT

Paul McCartney
L'empreinte d'un géant



Dans cette biographie, François Plassat se donne pour but de « faire découvrir les aspects méconnus d’une œuvre qui demeure unique à bien des titres » et il atteint parfaitement son objectif. La vie de l’ex-Beatles se lit comme une histoire, celle d’un jeune homme qui naît dans une famille catholique de Liverpool, troque sa trompette contre une guitare, croise un autre adolescent par hasard, forme un groupe et part en tournée. L’ouvrage fourmille de petites anecdotes : le nom du groupe, l’adoption d’une nouvelle coupe inspirée de la nouvelle vague… mais surtout, l’auteur développe les relations entre les membres du groupe et analyse leur évolution musicale avec précision.
A l’inévitable question du leadership, John ou Paul, il répond par une réflexion sur leur complémentarité et sur l’énergie diffusée par le groupe dans son ensemble. Il dresse un portrait de Paul McCartney, inépuisable travailleur. C’est lui qui trouve les idées : Yesterday se serait imposée à lui au cours d’un petit déjeuner, Hey Jude après une visite au fils de John, We can work it out serait liée à des tensions dans le couple qu’il formait avec Jane Asher… John vient alors contrebalancer le côté parfois "sirupeux" de certaines chansons et leur duo crée des mélodies intemporelles. Commentant la chanson We can work it out, François Plassat indique : « cette chanson porte en elle une force de conviction contagieuse. Elle incite à dépasser l’obstacle, à surmonter les petites contrariétés quotidiennes que l’aspect éphémère de l’existence tend à rendre dérisoires. C’est à John que ce titre doit ce passage soulignant l’absurdité des "prises de tête" injustifiées. La fusion sucrée/salée qui prévaudra encore souvent aux œuvres réellement collectives de Paul et John prend ici sa dimension la plus probante et la plus efficace. L’utilisation pertinente d’un harmonium suggère l’irréversible fuite du temps et amplifie l’urgence de vivre pleinement et en harmonie avec l’autre. »
Le « fruit de cette alchimie intensément collective » crée leur succès mais le moment de grâce est éphémère et des tensions, qui mèneront à la dissolution du groupe, commencent à apparaître.

Les quatre autres parties de l’ouvrage traitent alors de la vie de Paul McCartney sans les Beatles : sa traversée du désert, le fantôme du groupe mythique qui ne cessera de le poursuivre, son image de "gentil garçon" qui lui collera à la peau, les critiques acerbes qui le toucheront de plein fouet, son inépuisable soif de création. Après la séparation des Wings, il se lancera dans des chansons engagées, se laissera inspirer par « la déferlante punk », alternera les ballades avec le rock, tentera des collaborations inédites : Ebony and Ivory avec Steevie Wonder, The girl is mine avec Michael Jackson, créera le single Live and let die pour la BO de James Bond. Il fera figure d’ovni en composant Back in the USSR, un album de reprises pour le marché soviétique, s’initiera à la musique classique... Toutes ces étapes sont décrites avec minutie et le récit alterne sans cesse entre l’analyse des nouvelles créations et l’influence de la vie personnelle de l’artiste sur celles-ci.

L’une des grandes réussites de l’ouvrage concerne aussi l’analyse des pochettes d’albums, véritables œuvres d’art. Ainsi en est-il de l’album Back to the egg : « Dans un salon stylé et sous des éclairages tamisés, les cinq membres du groupe sont accroupis au-dessus d’une trappe ouvrant sur l’espace. De là, ils observent la Terre. Dans le fond, une cheminée, sur laquelle trône discrètement, façon clin d’œil, la statuette en art déco de Wings Greatest. Au mur, deux appliques en forme de W ailé, le sigle du groupe. La sous-pochette laisse apparaître dans une ouverture l’étiquette du vinyle, ornée, comme il se devait, d’un œuf au plat. L’autre côté présente le motif étoilé d’un plafond très ouvragé. »
Une discographie sélective, située à la fin du livre, reproduit les pochettes d’albums et c’est avec frénésie qu’on tourne les pages pour lire les analyses, scruter les détails – comme ce couple de scarabées, écho aux Beatles, placé sur l’album RAM des Wings ou ce cochon que tient John Lennon sur son propre album Imagine en réponse ironique au bélier que tenait McCartney : autant de règlements de comptes par images interposées dont se régale le lecteur. Une grande réussite donc que cette biographie qui, une fois terminée, donne envie de la relire et de réécouter simultanément tous les morceaux du "géant".

Enora Bayec 
(22/01/11)   



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Editions JBZ & Cie

544 pages - 25 €









François Plassat,
dirige une agence de direction artistique spécialisée dans les pochettes de disque. Passionné de musique, des Beatles et, bien sûr,
de Paul McCartney, il a travaillé à sa biographie pendant cinq ans.




Lire un entretien
avec François Plassat
sur le site de la RTBF