PARRA

Entré tout entier
dans le nom de Sans Domicile Fixe



Cheveux blancs pris / poitrine creusée / dans les liens du malheur / tu cherches en vain / assombri par la peur des dangers alternés… En ces jours de plan grand froid, je viens vous parler de ce recueil de Parra qui nous dit quelque chose de l’humain entré tout entier dans le nom de Sans Domicile Fixe. Il nous parle de ces hommes, de ces femmes tombés dans un cul-de-sac de la vie. Et ce titre qui est aussi le premier vers d’un poème au cœur du recueil, ce titre donc, nous dit d’emblée l’impasse, le désespoir, des vies enfouies, une litanie inépuisable de maux. Il nous dit aussi cette incompréhension, que peu de personnes savent dire bonjour à ces exilés sans domicile fixe / qui renoncent sans cesse en route / au retour.

Os encore collés à la chair
tu sens
cœur vide épuisé
dans la pluie
la mort
liée à la longueur de ta vie

Yeux levés vers le ciel sans étoiles
tu vois
cœur serré perdu
dans le fond de ta détresse
l’oubli de ta vie d’homme
las de vivre dans la rue


Ce recueil nous dit le regard compassionnel de Parra sur ces personnes considérées comme des « parias » de la société. Jean-Pierre Parra nous fait passer du regard portés sur les SDF, quelque peu extérieur, à un regard plus introspectif comme s’il voulait nous faire sentir ce que veut dire entrer tout entier dans le nom de Sans Domicile Fixe. Il y a des images fortes qui glacent rien que d’y penser : Dans le jour à marcher / tu es / détails de toi-même effacés par le temps / un étranger / qui ne peut regarder en face… Mais la compassion n’empêche pas de dire la dérive : tu dresses / regard indécis / d’odeurs d’urine les portes des bourgeois ; ou encore : tu frappes / noir vu en plein jour / du front le macadam.
L’utilisation du « tu » concourt à la présence effective de celui dont parle le poète.

Ce recueil dit le silence, un silence si épais qu’il tait les mots et les regards. Parra le dit très justement : les yeux des hommes / qui sans cesse dans la crainte / passent sans te parler.

Il dit aussi le silence de la solitude, la solitude de l’homme qui ne ferait plus partie des hommes… La question revient lancinante au regard de nos contemporains. Sous le couteau du vent froid / à la frontière de la vie des hommes / tu attends / face voilée par les mains / perdu / dans le gouffre de solitude / de déborder la nuit.

Je reste dubitatif devant les titres des poèmes qui reprennent tous le premier vers et me sont parus inopérants et même gênants. Malgré cela, c’est un recueil attachant, autour duquel nous devons nous arrêter pour mieux sentir ce que signifie cette image : entré tout entier dans le nom de Sans Domicile Fixe. Les œuvres de Mariannic Parra en couverture et en quatrième de couverture sont superbes pour leur évocation de l’être qui s’efface du monde.

Gilbert Desmée 
(14/12/08)    



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