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Rouler raconte l'histoire d'un homme qui prend le volant, un jour d'été
à 13h30, et part vers le Sud. Il s'est fixé Marseille comme
point d'arrivée, ville qui s'est imposée à lui davantage
pour sa sonorité que pour sa réalité. Ce qu'il veut, c'est
être seul mais les rencontres se multiplient malgré lui, comme si
ce monde qu'il voulait déserter tentait de le retenir subrepticement, à
travers des formes inattendues.
En chemin, il croise un cinquantenaire recalé au bac, un couple de hippies,
une femme qui veut s'enfuir avec lui, un vieux camarade de classe qu'il aurait
préféré éviter... Toutes ces rencontres le projettent
dans des situations cocasses comme lorsqu'il se retrouve, apprenti maitre-nageur
dans le "château" de son ami, une maison dans laquelle les hôtes
viennent davantage par habitude que par plaisir. Ce livre, non dénué d'humour, creuse les passages à vide,
ces moments où l'on ne sait plus qui l'on est ni ce que l'on veut. Le
narrateur se regarde agir avec distance, comme un somnambule : "Et donc
je me suis dit que je m'étais égaré mais que ce n'était
pas très grave. Qu'en gros il me suffisait de monter pour revenir sinon
à ma voiture, du moins à la route. Incidemment, je me suis demandé
ce que je faisais là, dans un trou au bord d'un torrent et loin de la
lumière, qui ne se rappelait à moi que par des flaques espacées
où se révélaient parfois des choses qui bougeaient vaguement
dans l'humus." Il se concentre sur les infimes préoccupations du quotidien qui permettent
de ne pas se dissoudre totalement : "L'achat de mocassins, en quelque
sorte, me semblait maintenant prioritaire, et, en passant par Eyguières,
je pensais d'abord à son éventuel marchand de chaussures, abandonnant
par avance l'espoir déraisonnable qu'il pût y en avoir deux, et
que j'eusse pu me livrer à un luxe d'essais comparatifs." C'est un livre qui sonne vrai, un livre sur le rien et sur la manière
dont l'errance et les chemins de traverse permettent de redonner un sens à
l'existence : "Plus exactement, j'ai fini par comprendre que ce n'était
pas devant soi qu'il fallait regarder, mais sur les côtés, et à
petite vitesse bien sûr, ce qui n'a pas empêché que, les
lointains exerçant sur moi une attraction que ne parvenait pas à
réduire mon esprit critique, c'est bien dans un de ces lointains que
j'ai pris la décision de m'arrêter, en me disant, comme j'arrivais
dessus, qu'il était impossible qu'il n'en restât pas quelque trace
palpable, et que tôt ou tard mon regard reconquerrait ce qu'il lui semblait
avoir perdu." Christian Oster signe là un périple doux-amer qui ne peut manquer
de séduire tous les lecteurs qui auraient eu, un jour, l'envie de partir
pour changer de vie. Enora Bayec |
Sommaire Lectures Editions de l'Olivier 180 pages - 15 €
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