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Christian OST


Un dé en acajou a disparu


Un recueil de onze nouvelles d'une dizaine de pages chacune qui touchent à tous les genres littéraires, passant de l'intime au fait social. Chaque histoire illustre une idée ou plutôt un principe économique que l'auteur, par le prisme de son imagination, transforme en scénario romanesque, dramatique ou comique.

Le recueil porte le titre de la première nouvelle qui, avec un parfum de science-fiction, traite de la téléportation et de répercussions inattendues sur la vie humaine lors de son développement.
Miroir de notre société, "There is no business like e-business" met en scène les échanges de courriels décalés et infiniment drôles entre un client présumé, habitant un appartement, et une société qui commercialise du matériel de jardin sensé lui avoir été livré ; "La crise" décline en une ronde enlevée les multiples entrées possibles de cette notion même ; "Un vol qualifié" capte sur le vif les perturbations d'un vol transatlantique et les pensées affolées qui agitent les passagers de la première classe, des classes affaire ou économique de l'avion, à cette occasion ; Une émission de téléréalité, reproduisant les rapports Nord/Sud, riches/pauvres et leurs conflits, trouve une issue inattendue (Star economy) qui, si on s'arrêtait à l'avant-dernière page, serait presque morale et rassurante, mais... Partout, l'aiguille de la boussole semble s'affoler et les citoyens bien perdus.

En échos à l'économie , "Rapt sur la Fed" mêle banque centrale des États-Unis et université, argent et sang ; Le destin, au seuil de ses quarante ans de Clervie (Clervie), pris dans les griffes de l'OMC et de la mondialisation, de l'enfance à sa vie professionnelle ou amoureuse, pose bien des questions ; "Hyper tour 2050" sur fond de polar et de mafia, nous plonge dans l'histoire d'un hameau devenu malgré lui un coffre-fort bien singulier alors que le "Jeu de rôle" organisé ailleurs par l'école à l'occasion de la venue d'un chef d'entreprise, paraît relever du pur échec pédagogique. Doit-on en conclure que le monde financier est bien imprévisible et le danger partout ?
Plus léger et à la marge, "Duke Ellington", dans le monde de l'art et de la passion, porte la voix d'un expert en objets d'arts, passionné de jazz, qui se retrouve face à un collectionneur singulier et retiré du monde, habité par la musique. Chaleur humaine et joie au programme ; Dans "Demain j'anticiperai" un mathématicien reconnu par le prix Nobel pour sa théorie des anticipations se comporte avec un aveuglement surprenant pour ce qui se trame dans sa vie personnelle.

Dans l'ensemble du recueil, l'auteur met donc en évidence la fragilité de l'économie et de la machinerie complexe du monde actuel face à l'humain. Il se montre pédagogue, touchant et drôle pour démontrer que les économistes, souvent impressionnants et hermétiques pour les non-initiés, se prennent parfois trop au sérieux et en oublient ce qui fait le propre de l'homme et de la vie. Le développement à l'extrême des théories économiques, de ces principes appris sur un banc de l'université ou communément analysées par les journalistes, débouche alors inévitablement, vers l'absurdité la plus totale. L'auteur, s'appuyant sur les dérives de ces sciences qu'il connaît bien, nous emmène dans un univers où la sécurité, derrière laquelle se sont abrités les personnages, est illusoire, où les certitudes se trouvent ébranlées par les aléas de la vie, où les statistiques, les chiffres et les principes ne peuvent se substituer à l'humain sans dommage.
Les personnages ressemblent aux individus que nous côtoyons dans la vie de tous les jours et les situations, souvent pimentées de cocasserie, auxquelles ils sont confrontés, nous renvoient à des craintes ou intègrent une part d'actualité qui ne nous sont pas étrangères. Le thème de l'incertitude baigne l'ensemble du recueil et offre l'occasion à Christian Ost de nous surprendre avec des chutes inattendues, souvent drôles, parfois dramatiques.

L'auteur, un économiste qui dit vouloir abandonner quelques instants comptes, théories et analyses pour raconter des histoires, tente de démystifier cette économie "reine", de l'humaniser, en n'hésitant pas à user d'humour. Il en résulte des nouvelles vives, tantôt comiques, tantôt tendres, sérieuses ou légères, un moment de lecture vif, intelligent, drôle, distancé qui pose un regard différent sur les situations banales que nous sommes tous amenés à vivre, ou auxquelles nous assistons, au quotidien. Mais qu'on ne s'y trompe pas : si l'aspect ludique de l'exercice est évident, l'écrivain, au-delà du jeu, interpelle, alerte, donne à réfléchir.

Un premier essai réussi.

Dominique Baillon-Lalande 
(31/03/11)    



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Editions Quadrature

122 pages - 15 €