Luis MIZÓN

Voyages et retours
précédé de
Bibliothèques du sud


C’est un recueil d’une des grandes voix de la poésie d’aujourd’hui dont je voudrais vous parler. Luis Mizón est l’auteur de nombreux recueils de poésie, d’essais et de romans. Son écriture, plutôt onirique, nous parle d’invisibles rumeurs, de regards, d’écoute… on y voit paraître des ombres qu’il réveille en pleine lumière sur une terre écrasée de blanc. Ce recueil a été traduit de l’espagnol (Chili) par Claude Couffon, revu et corrigé par l’auteur. Voyages et retours fut édité en 1989 par Obsidiane.

Bibliothèques du sud qui ouvre ce recueil est un texte dans lequel Luis Mizón nous parle de sa filiation en poésie : Il y a, dans la tradition espagnole, indienne, méditerranéenne, des poèmes habités d’apparitions, où la vie reflète des choses, des fruits, des idées, des fantômes, des êtres anonymes et fugaces, des traces populaires et secrètes.
Des poèmes qui proclament la durée scandaleuse du minime face à l’usure du temps.
Des paroles qui recueillent ces bribes d’incrédulité et de foi, de sentiments passionnés et de picaresques distances, dans lesquelles nous nous reconnaissons.
Des échos contradictoires que je souhaiterais accueillir dans mes poèmes.

Le conditionnel de cette dernière phrase fait honneur à la modestie de Luis Mizón, mais ce que dit ce début de texte correspond bien à sa poésie.

Ce texte nous dit aussi quelque chose de l’histoire de la poésie latino-américaine et plus particulièrement du Chili dans son rapport à la poésie plus qu’au roman. Puisque je vous ai donné le début de ce texte, voici la fin que j’aime beaucoup : Il se peut que la manière poétique soit liée à la musique, comme la musique est liée au geste : les poèmes font alors danser l’âme. Ils sont, peut-être, mémoire de gestes et de musiques oubliés et retrouvés, inventés et ignorés plusieurs fois. La danse, le mouvement et le désir de danse sont présents dans toute la poésie.

Les poèmes amoureux les plus tristes et les plus désespérés donnent envie de danser en secret.


Voyages et retours nous entraînent dans des strates de mémoire revisitée, transformée par la magie du conte :

Chaque écho de mon corps est une porte.
Une migration de mots
Un vieux rythme aux notes de cendre

Le feuillage d’une étoile
navigatrice

Quand une porte s’ouvre, les fantômes apparaissent : la mémoire réveille les images, donnant force à la poésie :

Au-dehors les murmures des fantômes
de terre et mer
Peu importe
pourtant la pluie est rare comme l’or
dans les mains sombres
et la sécheresse élève son chant
Lorsque le vent exaspère le paysage
des légendes indéchiffrables
et des inscriptions effacées
tachent de fraîcheur
l’écorce et le mur

Il y a dans cette poésie tout un souffle de vent marin, toute la chaleur torride qui blanchit tout, les ports d’où l’on part et où l’on revient et pour dire tout cela :

L’homme qui offre ses mots
s’entoure de prodiges.
Faux malades et enfants pauvres
sous l’arbre rouge et vert.

Les fantômes se nourrissent
de reliefs de mots.

À travers cette poésie, où l’onirisme offre une jouissance à l’esprit, on sent une tendresse du poète pour les lieux, pour les personnes.

Luis Mizón nous offre avec Voyages et retours un superbe recueil que l’on tarde à quitter tant les images nous entraînent au plus profond de soi-même. On voyage très loin aux portes des mots que nous lisons.

Gilbert Desmée 
(01/11/08)    



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Poésie









Editions Rhubarbe

72 pages - 9 €



www.editions-rhubarbe.com






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