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Patrícia MELO

Enfer


La guerre est sociale et le désespoir ressemble à la haine quand il s'incarne dans la drogue et la violence.
Ce roman nous fait pénétrer dans un bidonville de Rio, ses relents de musiques et de télé, ses odeurs de cuisine ou d'immondices, ses taches de couleurs et de sang et son fourmillement de personnages. Tous essayent d'échapper à la misère à coup de télénovellas, de bagarres, de drogue.

A travers l'irrésistible ascension de "petit roi", enfant des favelas puis caïd de tous les trafics, c'est la violence des armes et la tyrannie de la drogue mais aussi la violence de l'exclusion sociale et de l'analphabétisme qui nous est dit en phrases saccadées et abruptes.
« Devant les caméras du monde entier, des gamins, Nike aux pieds et mitraillette en bandoulière narguent l'objectif. Ils ont quinze ans, ils sont trafiquants de drogue et sont les maîtres des favelas de Rio. A vingt ans ils sont morts ou en prison » commente l'auteur dans une interview.

L'originalité de ce troisième roman traduit de ce jeune auteur brésilien tient à la façon dont le sujet est traité. Loin du naturalisme de Zola ou du réalisme magique dont ce pays fut le berceau, le sujet est ici traité suivant des logiques de saga cinématographique ou de rap urbain. Quand Jorge Amado, chantre du petit peuple de Bahia, évoquait la misère de son pays ou les gamins des rues, son récit conjuguait savamment critique et révolte avec amour et espoir. En racontant son monde il oscillait du témoignage à la déclaration d'amour. Mais ce Brésil populaire semble bien disparu. Dans le roman de Patricia Melo, le tableau est d'un désespoir absolu. La violence est partout et si les enfants rêvent encore, c'est d'argent, de pouvoir et de célébrité. Une littérature coup-de-poing de nature à éveiller les consciences.

Dominique Baillon-Lalande 
(Article paru dans Encres Vagabondes N°25)    



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Editions Actes Sud

Babel, 2004
400 pages - 9,50 €




Traduit du portugais
(Brésil) par
Sofia Laznik-Galves