Un très beau texte qui nous emporte comme une vague. Le regard posé par Dominique Maurizi pour dessiner un petit portrait de sa mère brille comme une étoile de tendresse et de douceur dans le ciel de l’enfance malgré la terrible douleur de la vérité pas vraiment comprise par l’enfant de huit ans. Une écriture très poétique nous mène peu à peu vers la révélation d’une vérité source d’humiliation de la part des autres enfants. De très émouvants passages…

Sur le secret : « Que sait-on des rêves, des désirs, des secrets de sa mère ? Le sais-tu ? Moi, je crois que tout cela est mystère, ou bien… »
« Je dois beaucoup à ce que je ne sais pas ».

Sur la frontière : « Une. La. Les. Une véritable obsession dans la famille. Mon frère et ma soeur, excepté une fois, n'ont jamais traversé de frontière. Peur des représailles sans doute. Ma mère, elle, n'a eu que de pathétiques accidents ou de subites déclarations de symptômes toutes les fois qu'elle s'est trouvée devoir franchir les limites d'une étendue. Je crois qu'elle ne peut pas, qu'elle ne supporte pas l'idée de frontière. Quant à moi, j'ai naturellement porté mes pas vers toutes celles qui étaient possibles. J'ai même cru, pensé, et avoir dit aimer «partir». D'un côté puis de l'autre, franchir, franchir toutes les voies et tous les chemins ».

Sur la beauté de sa mère : « La plage était vide, vaste, et les oiseaux pêchaient sur les crêtes des vagues. Il ne faisait pas chaud et le vent retournait nos cheveux. Soudain ma mère inclina légèrement la tête, elle avait l'air de penser à quelque chose d'émouvant, et elle tendit le cou. Superbe dans la lumière. J'avais presque envie de... dire quelque chose ? De lui dire ? Peut-être. Mais rien n'est sorti. Tu es si belle dès que je te vois, pensai-je. Ma mère avança lentement le buste vers ses genoux, sa peau était soyeuse, et la lumière - inimaginable à ce moment-là. Je cessai de respirer. ».

Un texte à déguster et à relire pour en apprécier tous les éclats.

Brigitte Aubonnet 
(15/05/06)