Pierre MAUBÉ

Nulle part


Dans son recueil Nulle part, qui a obtenu le prix Troubadours en 2006, Pierre Maubé donne la parole aux morts qui, encore tout près des vivants, s’en déprennent avec lenteur. Des poèmes très courts, parfois réduits à un quatrain, voire à deux vers, expriment leur apprentissage du silence, de l’oubli, de l’absence, dans une langue aussi dense que dépouillée, riche en images essentielles. De ce « nulle part » qui est devenu leur séjour, des voix s’élèvent, sourdement émouvantes, qui évoquent le glissement vers une conscience atténuée, une vie végétale indistincte :

Une racine habite notre ventre
nous espérons la vérité du nid
nous apprenons la patience des feuilles
nous écoutons les insectes creuser.


Voix à fleur de terre, à fleur de feuilles, dont la litanie incantatoire s’empare insidieusement du lecteur, lui impose sa magie et son rythme, qui emprunte souvent son ampleur à l’alexandrin :

nous brassons lentement nos sèves souveraines
nous écartons de nous d’inutiles étés.


ou encore :

La terre nous revêt d’une robe d’eau noire,
nous sommes le secret de vos disparitions
nous sommes le regret mêlé à votre souffle
l’amertume présente
à chacun de vos pas.


La tristesse est là, l’apaisement aussi, une fois rejoint le temps / qui n’a plus de visage, le pays / sans rivage et sans nom.

Il faut dire aussi la remarquable unité de ce recueil, qui semble former un seul long poème. Très loin de l’espérance religieuse, il accorde aux morts une présence / absence qui les rend étrangement proches et fraternels.

Sylvie Huguet 
(30/04/07)    



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