Lise LUNDI-CASSIN

Les jours de mes nuits



Deux regards parallèles, deux histoires parallèles, deux temps, deux univers : celui du jour, temps du social et celui de la nuit, temps de la solitude, de l’intime ; c’est ce que nous présente Lise Lundi-Cassin dans ce livre à la belle plastique. Les textes de l’auteur sont dans l’écrin des œuvres de Claude Burneau, s’inscrivant sur les photographies de celui-ci. Pour vous donner une idée de ce que cela rend : le format du livre est 170 x 260 cm ; les photographies sont pleine page et les deux textes s’inscrivent l’un en haut de la page (les jours) et l’autre en bas de page (mes nuits).

Les jours sont comme des instantanés pris sur le vif du sujet ; mes nuits est plutôt d’essence du journal intime d’une navigatrice sur un voilier. Les deux thèmes se rejoignent à la fin du recueil sur une page blanche :

Entre les jours et mes nuits je jette les mots aux courants incertains
l’estran brille sous la lune
flux et reflux
comme le bois flotté sous un ciel d’ecchymoses
ne pas demeurer.

Lise Lundi-Cassin nous invite à lire ses perceptions de « vie » sociale – je mets des guillemets parce que souvent elle nous montre des instants où la vie s’est absentée – où les protagonistes semblent pris dans des filets dont ils ne savent pas se sortir, en ont-ils conscience ?

Tous les jours il arpente les rues de la ville. Il marche à longs pas glissés, coiffé selon le temps d’un béret rouge ou jaune, assortit à son blouson.
Il grommelle parfois des insultes en croisant les passantes.
Il a de longs bras et remorque régulièrement un grand cabas gonflé qui effleure le bitume.
Personne ne sait ce qu’il transporte.
La femme vient de changer de trottoir.

Dans mes nuits, l’univers est tout autre, plus intime, plus près de la vie intérieure de cette femme qui vit sur un catamaran.

Dimanche 15 août.
Sentiment d’être amarrée au bord d’une île déserte.
Malgré le soleil qui inonde la passerelle,
je crochète des idées grises en rêvant de mascaret.

Il y a une humanité qui transparaît dans ce recueil qui est due au décalage entre les deux univers, car nous avons tous à vivre ce temps du social, aux conventions, aux rites définis, alors que le soir vient le temps où notre univers intime, notre imaginaire peut vivre.

J’en veux à Patrick Modiano.
Invité à bord ces derniers soirs, il a réintégré la cargaison,
Me laissant en proie au ressac de son « accident nocturne ».
La lumière artificielle fait ressembler la cabine à une coque d’œuf anémié.
« La vie est un éternel retour » fait-il dire au mystérieux Monsieur Bouvière.
Comme son personnage, moi aussi j’aurais préféré
« la légèreté du bonheur à la profondeur des sentiments. »

On ne boude pas son plaisir à lire ce livre où les œuvres de Claude Burneau dialoguent vraiment avec les textes sans chercher à illustrer. L’écriture est vive, croquant l’instant, nous en disant l’essence. L’instant dit n’est jamais clos et laisse ouverts des possibles. C’est le genre de livre qui laisse plein d’images dans votre tête et qui continue à vivre en vous pendant un bon moment.

Gilbert Desmée 
(21/08/08)    



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Poésie









Editions Soc & Foc
48 pages - 12 €


Photographies de
Claude Burneau