Michel LEYDIER, Aux diables ! Des hommes qui pleurent


Ombre et lumière, un roman noir au soleil… Michel Leydier manie l’oxymore avec un grand talent. Violemment tendre, ce roman oscille entre l’amour et la haine.
Les quelques pages du prologue sont à l’image du roman. « Tout est vigne et douceur… » puis le soleil tourne à l’orage.

Après le choc du prologue, on entre dans le roman et on suit Grégoire, le narrateur, qui a quitté Paris pour la Petite Camargue où il a réservé un gîte à quelques kilomètres de Vauvert, un appartement au premier étage d’une maison au milieu des vignes.

« J'ai toujours eu un sens très développé de l'autodestruction. Ma vie périclitait, elle se délitait à une vitesse vertigineuse, je prenais l'eau de toutes parts, pourtant cela ne suffisait pas: j'en rajoutais, sciemment ou inconsciemment. Longtemps j'ai cru que j'étais somnambule, que je me levais la nuit pour détruire ce que j'avais construit dans la journée. J'ai raté tellement de choses... »

Grégoire est un personnage désabusé, las de tout, de l’amour et de la vie, obsédé par cette « pastille » que revient comme un leitmotiv au fil du roman, mystère dont la clé n’est vraiment fournie qu’au bout d’une vingtaine de chapitres.

Dans son exil méditerranéen, il rencontre deux femmes : Stéphanie, caissière au magasin Champion, et Sonia, entraîneuse au Colibri. Tendresse, violence… Toujours attiré par les extrêmes, il humilie et cherche ensuite le pardon.

L’humiliation est un thème récurrent de ce roman, à l’origine du désir de tuer qu’éprouve Grégoire. Son ex-femme, Monique l’a remplacé par Pierre-Léon, « un petit maquereau à la manque » qui ne mâche pas ses mots dès leur première rencontre.
« Votre femme vous a quitté parce que vous êtes un con ! » Cette phrase me revenait en boucle chaque fois que je l'apercevais. Je haïssais cet homme et j'étais plus déterminé que jamais à le tuer. Le pourquoi était acquis, le comment réglé, restait juste à décider du quand...

Grégoire est-il capable de tuer ? Il pratique l’automutilation mais pourrait-il vraiment tuer ? C’est la question qu’on se pose au fil des pages tant le personnage est contradictoire.

Ses relations avec son fils de dix-huit ans, Sylvain, sont tout aussi contrastées. Il balance entre son désir de le revoir et la honte de ne pas être en être digne. « Ce pauvre môme n’a pas mérité un père comme ça ».

Alors, pour oublier, il boit, seul ou avec son voisin du rez-de-chaussée, Jacky dont il ne sait pas bien qui il est ni ce qu’il fait là, lui aussi, dans cette maison isolée…

Michel Leydier aime cette ambiguïté des personnages et des situations qui crée le mystère et le suspense. « A qui peut-on faire confiance ? Est-ce qu'on est ce que l'on pense être ou l'image que l'on projette ? Jean-Paul était-il un samaritain ou un emmerdeur ? Ce type au bord de la route était-il un flic, un tueur à gages, un paumé, un reflet de mon imagination ? Jacky est-il un fou dangereux, un chien perdu ou une âme secourable ? Stéphanie est-elle un ange ou une vilaine petite garce ? Et Sonia, une putain, un souffre-douleur, une épouse idéale ? Et moi, un con méchant ou un méchant con ? »

Pour avoir les réponses à ces questions, et à d’autres encore, il faut lire ce roman jusqu’à la dernière ligne. Bien sûr, il y a une demi-douzaine de morts sur le parcours mais si vous aimez les romans très noirs vous ne regretterez pas d’avoir suivi Grégoire dans ses errances, au son des CD qu’il écoute et réécoute : Moby, Led Zeppelin, Pierre Schott, Bashung… Il manque Dutronc mais Michel Leydier lui a déjà consacré deux livres…

Serge Cabrol 



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Noir & polar







Serpent Noir
232 pages
13,90 €