Retour à l'accueil





Claude LE PETIT


Le Bordel des Muses



Je n’ai pas l’habitude de chroniquer des recueils d’auteurs du passé, pourtant ce recueil mérite de s’y arrêter. Tout d’abord, voici un petit mot sur ce poète qui vaut d’être mieux connu et qui s’il n’était pas mort si jeune donne l’impression qu’il serait devenu un grand du panthéon poétique. Claude Le Petit a été brûlé en place de Grève le 1er septembre 1662, à l’âge de 23 ans à cause de ce recueil qui fut interdit. De ces 23 années vécues, nous savons qu’il en passa six en exil (après une histoire qui a mal tourné avec un moine), passant de pays en pays pour se faire oublier puis revint à Paris où il entreprit des études de droit et devint avocat.
Le Bordel des Muses était destiné à ses amis. Il semble qu’une descente de police chez l’éditeur fit découvrir ses écrits dont certains critiquaient la vie des souverains de l’époque. Suite à cela, il fut arrêté chez lui et jugé. Il fit appel du jugement, mais le jugement fut confirmé, la seule évolution fut de lui accorder d’être garroté, donc étranglé avant d’être brûlé.

Le Bordel des Muses suivi d’Autres escrits est l’ouvrage que j’ai en main. Le Bordel des Muses proprement dit est assez court mais d’une force du dire très "décapante", si vous me permettez de m’exprimer ainsi. Cela commence par un Sonnet foutatif :

Foutre du cul, foutre du con,
Foutre du ciel et de la Terre,
Foutre du diable et du tonnerre,
Et du Louvre et de Montfaucon.

Foutre du temple et du balcon,
Foutre de la paix, et de la guerre,
Foutre du feu, foutre du verre,
Foutre de l’eau et de l’Hélicon.

Foutre des valets et des maistres,
Foutre des moines et des prestres,
Foutre du foutre et du fouteur.

Foutre de tout le monde ensemble,
Foutre du Livre et du Lecteur,
Foutre du sonnet, que t’en semble ?



Ici, vous pouvez le remarquer, la puissance du dire dans ce sonnet est véritable et de ce Foutre mis en avant, il s’en explique dans une épigramme :

AU LECTEUR CRITIQUE. ÉPIGRAMME

Critique qui fait l’esprit fort
En matière de fouterie,
Ne t’estonne point, je te prie,
De trouver foutre icy d’abord.
J’aymerais mieux mourir de rage
Que d’avoir dedans mon ouvrage
       Malicieusement laissé
Aucun mauvais exemple à suivre,
Mais puisque nos ayeux pour nous faire survivre
Ont foutre sur foutre entassé,
Je puis bien commencer mon livre
Par là où le monde a commencé.



Là, après cela, nous ne pouvons que lui donner raison et admettre que cette prévention bien tournée n’enlève en rien toute la force ressentie dans l’écriture du sonnet qui précède. Viennent ensuite 3 sonnets (Sur mon livre. Sonnet ; Aux précieuses. Sonnet ; Au lecteur curieux. Sonnet), des stances (Sur mon Bordel des Muses) et l’ensemble finit sur un madrigal.

Tout dans l’écriture de Claude Le Petit nous entraîne, nous fait vibrer. Mêmes ses Autres escrits sont puissants et prenants. Il y a une telle vitalité dans cette écriture que l’on se dit qu’il est bien dommage qu’un tel poète fût exécuté si jeune. Des écrits qui ne méritent pas l’opprobre qu’ils reçurent en leur temps. Je vous conseille la lecture de ce petit opuscule par la taille et ce grand opuscule pour l’écriture qu’on peut y lire.

Gilbert Desmée 
(16/08/09)    



Retour
sommaire
Poésie










Editions Fissile

40 pages - 10 €


Editions Fissile
21 grand'rue
09310 Les Cabannes