Patrice JUIFF

Kathy



Après Frère et sœur (Plon, 2003) qui avait suscité une critique aussi étonnée qu’élogieuse, le deuxième roman de Patrice Juiff est porté par le même souffle original et puissant. « C’est tout le talent de Patrice Juiff : s’emparer de l’abject et le porter au sublime », écrivait Thierry Gandillot dans L’Express. Kathy confirme pleinement cet avis.

A trois ans, Kathy est abandonnée par sa mère dans une institution.
Dès le premier chapitre, on retrouve Kathy quinze ans plus tard sur un chemin de campagne en plein hiver.
Entre les deux, on apprendra qu’elle a été confiée à des familles d’accueil, dont la dernière a été très aimante mais qu’elle quitte le jour de ses dix-huit ans pour retrouver sa famille d’origine.

Ce qu’elle découvre à l’adresse indiquée n’a rien d’idyllique. Une gare abandonnée, des grillages, des bergers allemands, des hangars et des wagons désaffectés.
« Kathy n’aurait pas voulu être ailleurs. Pour rien au monde. Tous les jours de son existence n’avaient mené qu’à celui-ci. »
Mais elle n’est pas la bienvenue. Un visage apparaît derrière un rideau puis une adolescente vient jusqu’au portail lui dire qu’on ne veut pas la voir et qu’elle doit s’en aller.
Puisqu’il leur faut du temps, elle sera patiente, elle reviendra…

Le lendemain, elle reprend le chemin de la vieille gare, elle attend, dépose des cadeaux devant la porte. Une voiture sort mais personne ne lui parle. Kathy rejoint son hôtel.
Il va lui falloir du temps pour être admise, pour entrer dans la maison, dans la famille. Pour effacer ces quinze ans d’absence. Pour avoir une réponse à cette question essentielle : Pourquoi m’as-tu abandonnée ?
Elle va peu à peu reprendre sa place dans cette famille isolée, autarcique, violente, où la maladie, les coups, l’alcool, l’inceste, la misère sous toutes ses formes, constituent le quotidien.

L’écriture de Patrice Juiff est merveilleusement maîtrisée et, malgré le sordide de la situation, le roman n’est jamais désespéré, bien au contraire. On suit Kathy dans toutes ses découvertes, dans ses raisonnements, ses désirs, son bonheur de réintégrer l’histoire familiale, comme elle est, avec son cocktail détonnant d’amour et de violence. C’est sa famille, son histoire, et rien ne peut l’empêcher d’y reprendre sa place. « Une place naturelle. Si elle avait un peu forcé les choses au début, sa fonction s’était imposée d’emblée. Elle ne remplaçait personne. Elle investissait un espace libre. Palliait un manque. Celui qu’elle avait créé le jour de son départ et qui n’avait jamais pu être comblé depuis. Elle avait l’impression d’avoir été faite pour mener cette vie-là. »

Serge Cabrol 
(18/09/06)    



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Editions Albin Michel
246 pages
16 €








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