Sylvie HUGUET

Le passage
et autres nouvelles


Le fauve primordial qu’il avait rejoint comprenait en lui la forme et les sensations de toutes les bêtes qu’il chasserait jamais et de toutes les plantes qui nourriraient ces bêtes, les alarmes et les jeux de l’écureuil, la tension des feuilles vers le soleil. La connaissance le transperça comme la foudre. A cet instant il quitta le corps du lynx et devint peut-être un aigle, peut-être un esprit sans nom, mais cela n’importait plus.

Dans le précédent recueil de Sylvie Huguet, La mosaïque du fou, plusieurs personnages ne trouvaient d’issue à leurs cauchemars que par la fuite vers la folie ou la disparition. Ici encore, il s’agit souvent d’échapper à un quotidien pesant, ennuyeux ou tourmenté, et grande est la joie des personnages quand ils découvrent, par choix ou par hasard, l’existence d’un passage vers un ailleurs plein de promesses.

Cet "ailleurs" est différent selon les nouvelles mais il est, dans la plupart des textes, très lié au monde animal.
Et c’est là le deuxième thème majeur de ce recueil – et de l’œuvre de Sylvie Huguet en général – où nous rencontrons de nombreux animaux qui ont peuplé et nourri nos rêves, nos peurs, nos fantasmes et les histoires de notre enfance : des félins, des chevaux, des loups et même… des licornes.
Certains de ces animaux sont bien réels, d’autres sont des jouets, des dieux ou des créations artistiques.

Troisième thème fort de ce livre, le lien étroit que plusieurs personnages entretiennent avec l’art qu’ils soient musiciens, peintres ou écrivains. C’est dans l’œuvre même ou dans leurs sacrifices pour la voir aboutir qu’ils cherchent la clé du passage qui les conduira… ailleurs.

L’écriture très belle, souvent poétique, de Sylvie Huguet au fil des onze nouvelles, décrit des mondes en paix, de l’autre côté du miroir, où les animaux ne sont plus chassés ou en voie de disparition mais, au contraire, puissants, fiers et libres.

Juste au moment où elle coule, quelque chose de puissant la soulève au-dessus des vagues. Ses cuisses se referment sur des flancs robustes, elle reconnaît le travail des muscles, la finesse satinée de la peau. La crinière déferle sur son torse éclaboussé par l’écume. Le vent salin la bouscule, elle chevauche enfin l’échine argentée de la mer joueuse qui roule la moire des étoiles.

On retrouve ici les préoccupations de l’auteur, qu’on a déjà pu percevoir dans Le rêveur de jaguar, Le printemps des loups ou Les griffes de Shéhérazade, pour un univers où la vie animale jouit d’un profond respect.

Tous les moyens sont bons – le rêve, l'étude, la métamorphose ou la mort – pour accéder à cette autre dimension où l’homme, débarrassé de la pesanteur de son enveloppe charnelle, atteint enfin l’aboutissement de ses espoirs ou de ses recherches. Ce sont ces moyens, ces "passages" qui sont au cœur des textes.

Un livre qui inaugure une nouvelle collection sous des auspices prometteurs.

Serge Cabrol 
(09/03/08)    



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Editions La Clef d'Argent
100 pages - 9 €





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www.clef-argent.org





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