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Hubert HADDAD


Vent Printanier


La rafle du Vel' d’hiv' des 16 et 17 juillet 1942 avait pour nom de code "Opération Vent printanier". Sur ordre du gouvernement de Vichy, policiers et gendarmes français arrêtèrent à leur domicile quelques treize mille hommes, femmes et enfants, dès les premières heures de l’aube. Internés au Vélodrome d’hiver et au camp de Drancy, ils furent tous déportés à Auschwitz-Birkenau dans les jours ou les semaines qui suivirent, puis en majorité exterminés et brûlés.
De retour sur les lieux de l’impensable, Hubert Haddad a écrit ces quatre histoires vraies de tout leur poids d’imaginaire, vraies des milliers de fois, hier à Drancy ou partout en Europe, et aujourd’hui comme en filigrane, à chaque coin de rue, dans les regards effrayés que portent les exclus et les laissés-pour-compte sur un monde en lente perte d’humanité.

(avant-propos)

Dans les quatre nouvelles de ce recueil Hubert Haddad met en scène des enfants, certains juifs ou tziganes, et comme par un effet de superposition mêle les enfants déportés d’hier aux enfants traqués d’aujourd’hui, dans le bruit des trains, sous une neige qui recouvre les traces mais n’efface pas le souvenir.

Dans la première nouvelle, Adèle, onze ans, est très perturbée depuis quelque temps. Chaque flocon tombe d'une étoile morte. En quelques semaines, il lui semble avoir accumulé des siècles d'insomnie. Glaçant baiser de statue, le deuil s'est insinué en elle, dans ses entrailles, sur sa peau.
Tout a commencé avec les récits de guerre de l’instituteur. II s'était mis à parler d'Adolf Hitler et de l'Occupation. D'Auschwitz-Birkenau et de Treblinka. Des onze mille quatre cents enfants juifs déportés vers les camps de transit de Pithiviers, Beaune-la-Rolande ou Drancy par la milice et la gendarmerie françaises.
Plus tard, il leur a donné la photo de Meranda, une fillette de leur âge, qui a vécu dans le quartier. Raflée en 1942, elle a été gazée et brûlée dans un camp d’extermination.
Un autre événement, plus personnel, a bouleversé Adèle : son chat, Muche, a disparu. Elle a cherché partout, interrogé tout le monde, n’a pas trouvé le moindre indice.
Un matin, la fillette sort pour se promener dans les rues enneigées. Des traces de pattes de chat vont la mener au 27 rue des Carmes, l’adresse de Meranda…

C’est la musique qui est au cœur de la deuxième nouvelle. Le 14 juillet, deux jours avant la commémoration de la rafle du Vel d’hiv, Michaï, un très vieil homme, son étui à violon sous le bras, se trouve dans un bar du Bourget. La télévision montre le démantèlement d’un camp de Tziganes à Bobigny.
L'expulsion avait dû être expéditive. C'était presque toujours ainsi : les autorités locales chassaient les descendants des martyrs pour honorer ceux-ci en paix.
Le camp était sur un terrain vague, à l’emplacement de l’ancienne gare. Ces images font resurgir chez Michaï des images d’autrefois et il ne peut s’empêcher de se rendre sur place. C’est de cette gare que partaient les trains vers les camps de la mort.
Le 16 juillet 1942, Michaï était sorti chercher du sable pour renouveler la litière de son chat. De retour boulevard de Ménilmontant, il a assisté, caché et impuissant, à l’arrestation de tous les Juifs de sa rue. Son père, sa mère, ses deux sœurs, il les voyait pour la dernière fois monter dans les autobus à plate-forme… Deux ans pus tard, dénoncé et arrêté à son tour, il est parti vers Auschwitz-Birkenau où il a compris ce qui était arrivé à sa famille. Il a pu s’échapper pour s’être mêlé involontairement à un groupe d’enfants tziganes. Son étoile jaune faisait désordre parmi les triangles bruns. On l’a renvoyé vers son groupe et il a profité de la confusion pour se sauver…
Devant l’ancienne gare, tous les souvenirs lui reviennent en mémoire tandis que surgit un enfant. Arrêté dans le métro où il jouait de l’accordéon, Nicolaï a erré longtemps avant de retrouver à Bobigny l’emplacement de son camp dont il ne reste que les traces.
La musique va rapprocher le vieil homme et l’enfant, le déporté d’autrefois et le traqué d’aujourd’hui.

Dans la troisième nouvelle, c’est un vieux photographe qui se penche sur son passé. Ses parents ont été déportés et le seul souvenir qu’on lui a remis à sa sortie de l’orphelinat est une photo où on les voit sur le paquebot Normandie. Il les imaginait en partance vers le Nouveau Monde, à l’abri de la folie meurtrière de la vieille Europe, mais la réalité était tout autre. Grâce à l’inscription figurant au dos du cliché, il a retrouvé l’adresse de la boutique où avait été réalisée la photo. La proue du Normandie n’est qu’un décor où étaient photographiés tous les jeunes couples du quartier. Le magasin était à l’abandon après l’arrestation du photographe en 1942 et le jeune orphelin a pu s’y installer. Devenu photographe à son tour, il a passé sa vie à chercher de vieilles images prises dans les camps de concentration, espérant y reconnaître le visage de ses parents.
Aujourd’hui, c’est la fête dans la ville mais pas pour tout le monde. Un jeune bohémien poursuivi par la foule se réfugie dans sa boutique…

Le narrateur de la dernière nouvelle, David Rosein, est marchand de jouets de collection à Angers.
Dans le train qui le ramène du lac de Constance, il repense au client qu’il vient de rencontrer. Gustav Eidenburg est un vieux musicien collectionneur spécialisé dans le chemin de fer.
Dès qu’il l’a vu, David a tout de suite reconnu en ce vieil homme le jeune conscrit de la Wehrmacht croisé en 1945. David avait onze ans à l’époque et il avait été confié à une famille chrétienne pour échapper à l’extermination de la communauté israélite de la ville. Décidé à savoir ce que ses parents étaient devenus, il s’était échappé un soir et c’est au cours de cette nuit d’errance qu’il avait rencontré le jeune violoniste, officier de la Wehrmacht, en poste dans un vieux bastion perdu dans la forêt, au bord d’une voie ferrée. Cette nuit-là, l’officier n’avait pas dénoncé l’enfant juif…

Quatre textes magnifiques, chargés d’émotion, confrontant les enfants d’aujourd’hui aux enfants d’autrefois, évoquant le sort des Juifs et des Tziganes, soutenus par la superbe écriture d’Hubert Haddad, toujours aussi subtile, précise, ciselée avec une grande délicatesse. Un recueil précieux et salutaire, à lire et relire, à faire lire autour de soi, pour que nul n’oublie le passé. Il se trouve toujours des dictateurs pour menacer la liberté. Il ne faut pas admettre les atteintes commises contre certains sous prétexte qu’on n’est pas encore concerné.
A force d’attendre, il est très vite trop tard…

Serge Cabrol 
(28/06/10)    



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Lectures










Editions Zulma

64 pages - 4,50 €








Hubert Haddad,
né à Tunis en 1947, est l'auteur de plusieurs dizaines d'ouvrages dans tous les genres : poèmes, nouvelles, récits, romans, essais, théâtre, jeunesse...
Une biographie et une bibliographie détaillées sont disponibles sur le site de l'éditeur : www.zulma.fr







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Hubert Haddad écrit pour les adultes, Hubert Abraham pour la jeunesse.
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