Eric GUILLOTTE, Novissima Verba


Un jeune homme se raconte : la chance n’est pas de son coté, son père est paraplégique suite à un accident, sa mère serveuse dans un bar boit plus que de raison et lui, délaissé, se nourrit de mauvaises séries B. A l’adolescence, dans les vestiaires de la salle de boxe, ce n’est pas l’émoi sexuel qui sera au rendez-vous mais le plaisir trouble de la confrontation à une arme. Suite à cet épisode, il se conclura miraculeusement invulnérable et le destin de ce garçon ténébreux et fragile s’en trouvera définitivement changé. Dorénavant, il choisira le camp des voyous.

En se livrant sans faiblir à ses exactions diverses, petits délits, cambriolages, trafics en tout genre, il recherchera toute sa vie cette jouissance originelle, redéfinissant ses propres lois pour composer avec les aléas de l’existence. Mais, hors de toute morale, c’est le jeu et les sensations qui le motivent, non l’appât du gain ou l’exploit lui-même. Il en serait presque sympathique ce faux méchant qui semble s’être engouffré par hasard dans la délinquance sans en voir le mal, juste pour se différencier de la masse et exister.

C’est alors que le récit bascule. La parole est à la mère et… les versions diffèrent quelque peu. Elle parle d’elle, mais aussi des handicaps de son fils, de sa perversité, de sa violence, de folie. Le portrait à la James Dean du jeune héros s’en trouve fissuré, on bascule même franchement dans le tragique et l’horreur. Enfin, le père, cloué dans son fauteuil roulant, prend la parole, beaucoup d’amour chez celui-là, mais si les événements relatés restent semblables, l’interprétation diffère franchement.

Au final, à partir d’un fait divers digne des infos télévisées, l’auteur nous livre un portrait d’adolescent et une analyse contrastée des faits, plus terribles encore qu’une quelconque vérité. Les récits polyphoniques viennent parasiter les confidences de cet adolescent en perdition coincé dans un milieu familial où le dire se dérobe, par fatigue, handicap ou mal-vivre et on ne sait plus qui est le monstre et qui la victime.

Loin du banal récit linéaire, par cet étrange récit tripartite livré sans aucun jugement, l’auteur, orthophoniste le jour, écrivain la nuit, semble s’interroger sur la réalité des choses et sur la narration elle-même. Le lecteur, lui, s’englue dans la toile d’araignée, se prend ce déluge de paroles contradictoires comme un coup de poing et s’en trouve déstabilisé, conscient néanmoins qu’il doit souvent en être ainsi lors des grands drames. Un roman fort sur la communication et la nature aléatoire et ambiguë du langage et de la vérité dans l’horreur.
Une lecture dérangeante donc, mais passionnante.

Dominique Baillon-Lalande 



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Editions Le Cherche Midi
166 pages, 14 €


Eric Guillotte
a 36 ans.
Novissima Verba
est son premier roman.

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de l'éditeur :
www.cherche-midi.com