Le dernier roman de Pascale Gautier est étonnant. Nous sommes plongés dans un monde différent du réel, tout à fait décalé mais en fait très proche de notre société dans son absurdité, ses dérives et ses dangers.

C’est un grand moment de lecture car cette critique féroce est d’autant plus forte que ce décalage révèle avec encore plus d’absurdité les dysfonctionnements de notre monde : « Aujourd’hui, c’est chacun pour soi. Des années de lutte balayées, oubliées, reniées. L’argent a gagné. »

Grinçant et ironique le ton de Pascale Gautier n’est jamais désespéré. Les personnages cherchent à se sortir d’un quotidien triste, ils sont parfois désabusés mais réagissent encore et cherchent du meilleur pour leur vie « On a tous eu sacrément peur. Alors que c'était peut-être qu'une plaisanterie. Pour raté, c'est raté comme blague ! Vrai, on est tous des terrorisés. Dès qu'il y a le moindre contre-temps, on est raide de trouille. C'est pas bon un peuple aussi peureux, songe Ploute sur le trottoir de gauche de l'avenue juste après le carrefour central en partant d'ici. Non. C'est pas avec la peur qu'on va avancer. »

Différents personnages, monsieur Ploute et son fils Achille qui va tomber amoureux d’Agata, Marie-Augustine qui travaille chez eux et établit une relation très sensible avec son patron, monsieur Félix qui vit seul et dont le chien a disparu enlevé par une mystérieuse Organisation…, se croisent, se comprennent ou s’interrogent. Ils sont tous émouvants dans leur quête, leur analyse du monde et de leur vie. C’est un roman qui se dévore, son ton, son rythme nous embarquent et nous y découvrons des perles d’écriture et de réflexion :
« C’est toujours les dernières fois qu’on voit les premières fois. »
« Comme tout est à l’envers aujourd’hui ! Mais comme cela remet les choses à l’endroit d’être à l’envers. »

Pascale Gautier, parallèlement à son travail d’éditrice chez Buchet Chastel, construit une œuvre littéraire originale, parfois déconcertante, mais qui prend de plus en plus son envol et sa force dans un monde où il est essentiel de réagir face au pouvoir destructeur de l’argent. Les mots, la liberté, la littérature existent encore. Profitons-en et défendons-les…

Brigitte Aubonnet 
(15/07/06)