Thierry GATINET, Le Martyr de la Cité


Ce roman poursuit la chronique noire (mais non dénuée de tendresse) de la vie en Seine Saint-Denis inaugurée par Thierry Gatinet en 1998 avec Métastade.

Le premier chapître nous décrit une cité à feu et à sang. Une tour brûle, des jeunes caillassent pompiers et policiers, des brigades d’auto-défense pourchassent les jeunes…
Et à l’origine de tout ça, un « forcené » retranché dans son appartement avec armes et otages. Cet homme, c’est Roger Lemaître, employé municipal aux serres de la ville, jusque-là calme et résigné comme la plupart des habitants de la cité.

Comment en est-il arrivé à cette insurrection guerrière ?
On l’apprend peu à peu, au gré d’une construction en chapitres alternés.
Les chapitres impairs nous font vivre l’évolution de la situation présente, de cette prise d’otages qui a dégénéré en émeute, qui se répand dans tout le pays et même ailleurs comme un incendie dans une pinède…
Les chapitres pairs, c’est la réflexion de Roger Lemaître, son regard sur l’enchaînement des événements qui l’ont conduit à faire exploser sa résignation, à donner libre cours à sa révolte contre un système qui tolère et génère l’injustice et l’humiliation…

Au cœur de sa révolte, il y a l’amour pour son fils…

Pas facile d’élever un enfant dans une cité du 9-3 ! Roger Lemaître adore son fils et il ne sait plus quoi faire quand il le sent dériver vers la drogue, l’argent, les « mauvaises fréquentations »…
En fait, Jean-Marc n’est pas tout à fait son fils. « Papa blanc, fils noir ». Quand Roger a rencontré Rosalie, « belle, si belle dans sa peau d’ébène », elle était accompagnée de son fils de six ans. Ils se sont installés ensemble et Roger a donné son nom à Jean-Marc. Instants de bonheur. Mais Rosalie, trop accro aux drogues dures, a préféré s’en aller pour ne pas leur gâcher la vie…
Alors Roger a fait ce qu’il a pu…

« J'ai tout essayé. La douceur, la fermeté, tout. Je lui ai même filé des fessées quand il était plus jeune. Je ne l'ai jamais lâché. Je l'ai récompensé quand il ramenait des bonnes notes de l'école, même si c'était rare. Je l'ai puni quand il ne rentrait pas à l'heure. J'ai essayé de croire à ses envies de CAP vente, alors que je savais qu'il ne s'y plairait pas. J'ai même accepté qu'il se dirige vers l'électromécanique lorsqu'il a loupé son CAP. Rien n'y a fait. Rien. Cette foutue cité a pris le dessus. Même après avoir déménagé, il est incapable de voir par-dessus les murs. Il ne sait que rentrer dedans. Ç'aurait sans doute pas été pareil si j'avais eu assez d'argent pour l'envoyer vivre ailleurs... »

L’argent, toujours l’argent… L’argent, nerf de la guerre ? Sans doute… Nerf de l’amour ? Pas sûr…
Roger, un jour, ne sait plus comment aider son fils, comment l’aimer, comment lui parler… Et si au lieu de persister à lui montrer une voie qu’il rejette, il l’accompagnait (ou le précédait) sur celle qu’il a choisie ?

Un roman fort, violent, plein d’amour et de révolte, qui pose beaucoup de questions, explore quelques réponses, fait réfléchir et nous mène vers l’issue tambour battant. Issue de secours ? Issue fatale ? A chacun de le découvrir, suspense garanti.

Serge Cabrol 



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Noir & polar







Serpent Noir
220 pages
17,90 €